"Truffaut technicien ?" à la Cinémathèque française

Par Gérard Simon, AFC

par Gérard Simon La Lettre AFC n°248

L’intitulé du colloque m’avait intrigué (de tous les cinéastes de la Nouvelle Vague, Truffaut, n’est pas, en effet, celui qui a le plus " trituré " la " matière cinéma ", non ?). L’un des conférenciers confiait d’ailleurs que l’idée de ce débat leur était venue car « le vendredi étant d’ordinaire dédié aux conférences techniques et la Cinémathèque célébrant Truffaut ce mois-ci », il avait été tentant de lier les deux événements.

Dans un premier exposé, Laurent Mannoni reprenait chronologiquement les différents films de Truffaut et, s’appuyant sur des photos de tournages, listait les caméras, les objectifs, les dollies utilisés par le cinéaste, dans le but un peu naïf de nous persuader que Truffaut s’y entendait en matériel et avait été novateur en la matière.
Puis, Bernard Benoliel, le second orateur, disséqua quelques séquences de films (La séquence finale de préparation du meurtre de La Peau douce, un plan séquence " à seize positions de caméra " de Fahrenheit 451, la séquence symphonique d’ode aux tournages de La Nuit américaine, etc.) en essayant de mettre en évidence une virtuosité technique ou des singularités visuelles ou de construction.
Ensuite, quelques techniciens anciens collaborateurs de Truffaut (qu’on oublia de nous présenter) montèrent sur scène pour une table ronde. On se dit alors qu’on allait enfin entrer dans le vif du sujet et poser les questions qui " démangeaient " : « Comment travailliez-vous avec Truffaut ? Comment faisait-il ses mises en place ? Avec ou sans les comédiens ? Arrivait-il avec un découpage de la séquence ou inventait-il au fur et à mesure ? Qu’est-ce qui déterminait les mouvements d’appareil ? Contrôlait-il beaucoup les cadres ? Avait-il des focales de prédilection ? Quelles exigences avait-il vis-à-vis de la lumière ? Travaillait-il avec des références visuelles ? Lesquelles ? Comment préparait-il décors et costumes ? Favorisait-il absolument le son direct ?... etc. »

Malheureusement, les questions des deux conférenciers restèrent anecdotiques, donnant lieu à des témoignages touchants et parfois drôles mais ne renseignant pas beaucoup sur le travail technique de Truffaut sur un plateau. Et quand on pensa à faire intervenir le public, il était déjà bien tard et il fallut libérer la salle.
Dommage, Truffaut et ses techniciens méritaient mieux. Mais peut-être alors, aurait-il fallut être un peu iconoclaste et mettre en évidence que l’homme et son œuvre étaient plutôt paradoxaux, justement assez peu " techniques " car, de toute évidence, plus préoccupés de mots, de dialogues et de littérature que d’inventions formelles ou visuelles. A la sortie du Dernier métro, Bernard Pivot avait écrit : « Truffaut est le meilleur romancier de l’année ». Il n’avait peut-être pas tout à fait tort…
Les techniciens présents qu’on aurait tant aimé interroger étaient Pierre-William Glenn, Dominique Le Rigoleur, Caroline Champetier, Denys Clerval, Yann Dedet, Jean-François Stévenin.