Tueurs

Le film Tueurs a été quelque chose de particulier pour moi dans la mesure où je l’ai réalisé en collaboration avec François Troukens, un ancien membre du grand banditisme, braqueur de fourgon en Belgique. Celui-ci, une fois sorti de prison après avoir purgé sa peine, a rencontré le producteur Jacques-Henri Bronckart (Versus Production) et lui a proposé une idée de scénario qu’il avait développée en prison.

Le film raconte l’histoire d’un chef d’une bande de braqueurs qui va être accusé à tort d’une tuerie qu’il n’a pas commise. Il va être projeté dans une spirale de violence qui va l’amener à renoncer à ses convictions les plus intimes.
Jacques-Henri est un ami de longue date avec qui j’ai collaboré à de nombreuses reprises, notamment pour les films de Joachim Lafosse, avec qui je suis en tournage en ce moment au Maroc. Ayant pu observer la manière de m’impliquer auprès des metteurs en scène avec qui je travaille, il m’a contacté pour me proposer de réaliser ce film avec François.

Au départ, je ne devais pas assumer le rôle de chef opérateur sur le film. Mais ma conception de la photographie d’un film n’est jamais dissociée de la mise en scène car je suis avant tout préoccupé par l’histoire à raconter. Je cherche d’abord comment servir cette histoire par l’image. C’est pourquoi j’ai finalement décidé de tenir ces deux rôles de front.

La grosse différence avec mon travail de chef opérateur, tel que je le pratique depuis plus de dix ans, a surtout résidé dans la préparation qui, dans ce cas, a commencé presque quatre ans avant le début du tournage.
Pendant ces quatre années, j’ai pu, avec les producteurs, rencontrer François de manière plus ou moins régulière pour lire le scénario qu’il était en train d’écrire avec le coscénariste Geordano Gederlini. J’ai eu ainsi l’occasion de leur faire les remarques qui me semblaient pertinentes afin de faire progresser l’histoire.

En termes de production, j’ai pu présenter Raphaël Rocher (de Capture the Flag Films) avec qui j’avais fait Antigang, de Benjamin Rocher, et Le Serpent aux mille coupures, d’Eric Valette, aux producteurs de Versus. Son enthousiasme et son envie d’un cinéma de genre avec une dimension spectaculaire faisaient de lui, me semble-t-il, le partenaire idéal. Cette rencontre s’est très bien passée et nous avons pu ainsi rapidement envisager comment produire ce film.

Un peu plus d’un an avant le début du tournage, alors que nous n’avions pas vraiment commencé le casting, l’idée de travailler avec Olivier Gourmet (que je connais depuis le tournage de La Promesse) dans le rôle de Franck m’a semblé une évidence. Son autorité naturelle fait de lui un chef de bande parfait.
J’ai facilement convaincu la production et François Troukens de ce choix, j’ai pu envoyer le scénario à Olivier qui m’a répondu très rapidement qu’il était partant, nous nous sommes rencontrés et avons fixé ensemble les objectifs scénaristiques et esthétiques du film pour son personnage. Il a joué le jeu sans retenue et s’est engagé physiquement pour le résultat que vous pourrez voir dans le film. Le reste du casting est venu se construire autour d’Olivier avec une envie toujours présente d’une "dream team" belge : Bouli Lanners, Lubna Azabal, Kevin Janssens, Tibo Vandeborre, Natacha Régnier, Johan Lessen et bien d’autres sont venus compléter ce casting.
J’ai pu construire l’équipe technique de la même manière, en m’entourant de personnes avec qui j’avais déjà travaillé à plusieurs reprises. Mon idée pour ce film, autant pour le casting que pour l’équipe technique, a été de m’entourer de gens dont je connaissais le grand talent mais aussi la bienveillance ; ça me semblait primordial pour cette première aventure à la mise en scène.
Nous avons longuement discuté avec Stan Reydellet, le chef décorateur, Pascaline Chavanne, la chef costumière, et Garance Van Rossum, la chef maquilleuse, pour déterminer la direction artistique du film. Grâce à leurs talents, le visuel de Tueurs est vraiment dans la ligne de ce que j’avais en tête.

Pour la partie tournage, je préparais quelques jours à l’avance le découpage pour chaque journée et je l’envoyais par e-mail à François Troukens, Dimitri Linder (1er assistant réalisateur) et Laurence Couturier (scripte). Une fois sur le plateau, je mettais en place ce découpage pendant que François relisait le texte avec Laurence en intégrant les modifications que l’un de nous (acteurs y compris) souhaitait apporter, puis très vite nous commencions à tourner.
Au départ, je ne pensais pas cadrer le film afin de rester à côté du combo avec François mais je me suis vite rendu compte que je n’arrivais pas, de cette place, à insuffler l’énergie que je souhaitais pour le film. J’ai donc décidé de prendre le cadre en main pour être au plus près des comédiens et de la tension des scènes.

Le matériel de prise de vues pour Tueurs est une RED Weapon qui venait de chez Eye Lite avec une série Master anamorphique montée sur un Maxima, d’abord acheté par la production puis repris par Joachim Philippe qui a assuré le cadre de la 2e caméra. J’avais déjà eu l’occasion d’utiliser ce type de stabilisateur – Stab One sur Des nouvelles de la planète Mars, de Dominik Moll, et sur L’Économie du couple, de Joachim Lafosse, Movï sur Le Serpent aux mille coupures, d’Eric Valette. Mais le poids des séries anamorphiques est un problème avec ces stabilisateurs, et le Maxima, bien que plus lourd, m’a permis de faire les plans que je voulais. J’ai récemment vu la nouvelle version du Stab One et je me réjouis de pouvoir l’utiliser, même si je suis en ce moment encore en tournage dans l’Atlas avec un Maxima, qui est mon outil préféré depuis deux ans.

Grâce au grand talent de mon assistant Amaury Duquenne, avec qui je collabore depuis plus de vingt ans, d’abord comme 2e assistant opérateur avec les frères Dardenne, puis comme 1er depuis que je suis directeur de la photo, nous avons pu réaliser rapidement des plans assez compliqués techniquement sans avoir à faire le deuil de la qualité du point.
Je n’aurais jamais pu assurer la direction photographique du film sans la précieuse collaboration de mon chef électricien, Jérôme Di Cola, avec qui je collabore depuis de nombreuses années également et que je connais depuis l’école de cinéma (IAD) puisque nous étions dans la même classe.
C’est Témoudjine Janssens qui m’a accompagné en tant que chef machiniste sur ce tournage. Les moments de doutes ont été nombreux et sa présence toujours rassurante m’a été d’un grand secours. Il a su aussi mettre son ingéniosité au service du film, notamment en fabriquant des crashes boxes pour protéger les Sony Alpha 7 que nous utilisions dans les scènes d’actions en plus des deux ou trois RED.

Après quarante jours d’un tournage sous haute tension à travers la Belgique (et la prison d’Orléans), nous nous sommes retrouvés à Paris, François, Sophie Fourdrinoy (la monteuse du film que je connais depuis Go Fast, d’Olivier Van Hoofstad) et moi. C’était ma première expérience dans la salle de montage et j’ai pu me rendre compte de la difficulté mais aussi de l’importance de l’exercice. La générosité et le talent de Sophie resteront pour moi une référence.

Le film a été postproduit chez M141, labo que j’affectionne particulièrement, étalonné par Richard Deusy, complice depuis de nombreux films avec qui c’est toujours un plaisir de travailler, son talent et sa bonne humeur me mettent en joie.
Les effets spéciaux ont été assurés par l’équipe liégeoise de Mikros image, ils ont su répondre à la demande et même pousser au-delà de celle-ci. Ce fut un vrai plaisir de collaborer avec eux.

Un petit mot pour l’équipe son, sans qui les films n’existeraient pas. Marc Engels et Vincent Breau sur le plateau avec leur discrétion et leurs conseils toujours avisés, Ingrid Simon et sa formidable équipe du montage son et enfin, Thomas Gauder qui a apporté la touche finale au mixage en collaboration étroite avec Clément Animalsons, qui a composé la musique du film. Ils m’ont fait entrevoir toute l’importance de la collaboration entre le son et l’image.

Le film sera sur les écrans le 6 décembre et j’espère qu’il vous plaira autant que l’aventure de sa fabrication m’a plu.

Équipe

Cadreur 2e caméra : Joachim Philippe
Assistants opérateurs : Amaury Duquenne, Léonidas Arvanitis
Chef électricien : Jérôme Di Cola
Chef machiniste : Témoudjine Janssens

Technique

Matériel caméra : Eye Lite (RED Weapon, série Master anamorphique)
Laboratoire : M141
Etalonneur : Richard Deusy
Matériel lumière : Eye-Lite
Effets spéciaux : Mikros image