Une Mostra en colère s’ouvre à Venise

par Eric Jozsef pour le journal Libération

Festival. Les coupes dans les subventions ont ligué les réalisateurs italiens contre Berlusconi.

La 66e édition de la Mostra de Venise, qui s’ouvre ce soir au Lido avec Baaria de Giuseppe Tornatore, s’annonce agitée. Aux abords de la lagune, le monde du cinéma italien est sur le pied de guerre après la décision du gouvernement Berlusconi de tailler drastiquement dans les financements publics. Au point que le boycottage pur et simple du festival a été envisagé, par la profession. «Nous avons toujours connu des manifestations de ce type» a cherché à minimiser le directeur Marco Müller, qui doit par ailleurs faire face à un budget encore réduit à l’étuvée, un nouveau Palais du cinéma toujours en chantier et à une fête du cinéma de Rome dont l’ouverture, fixée au 15 octobre, a été cette année légèrement avancée.

Secteur asséché. «D’une manière ou d’une autre, nous parviendrons à nous faire entendre, prévient le réalisateur Mimmo Calopresti. Nous n’avons évidemment rien contre le festival de Venise mais nous chercherons à attirer l’attention.» Il faut dire que le ministre italien de l’Economie, Giulio Tremonti, n’a pas eu d’états d’âme pour assécher un secteur déjà mal en point. La loi de finances pour l’an prochain prévoit en effet 200 millions d’euros d’économies dans le FUS (Fonds unique du spectacle, qui distribue des subventions à la danse, au théâtre, au cinéma, etc.) soit une diminution pratiquement de moitié du financement à la création. «La situation est vraiment dramatique, souligne le scénariste Andrea Purgatori, l’un des porte-parole de la protestation. Depuis le début de l’année, les commissions chargées d’octroyer les subventions n’ont pas débloqué un seul euro. Certains films qui escomptaient un soutien de l’Etat ont démarré le tournage sans savoir s’ils pourront le terminer.»

Devant la mobilisation des dernières semaines qui, pour une fois, a réuni pratiquement l’ensemble du cinéma transalpin, la présidence du Conseil a annoncé qu’elle allait exceptionnellement trouver 60 millions d’euros pour compenser les coupes budgétaires en prélevant la somme sur le fonds destiné… aux calamités naturelles.

Système français. «Il est temps de changer de modèle, on ne peut plus continuer comme ça, insiste Andrea Purgatori. Notre mobilisation vise à dépasser les questions de subventions pour l’an prochain. Le cinéma italien a besoin d’un système de financement et de fonctionnement sur le modèle français.» «La production italienne tourne autour de 70 films par an et très peu sortent en salle durablement» insiste Calopresti, qui rappelle que 50% des salles de la péninsule ont fermé ces deux dernières années.

Dans ce contexte tendu, le producteur de Baaria ne sera pas présent à la soirée d’ouverture. Film en costumes qui retrace l’histoire d’une famille sicilienne sur trois générations, il s’agit pourtant d’une des productions les plus coûteuses de l’histoire du cinéma italien. Silvio Berlusconi, coproducteur via sa boîte Medusa Film, n’a pas prévu de faire un détour par la Mostra.

Eric Jozsef, Libération, édition du 02/09/09