Une rencontre avec Bruno Nuytten animée par Yonca Talu

"Impressions de Camerimage", par Juliana Brousse, La Fémis

A l’occasion de la présence, au 29e Camerimage, d’étudiants de l’ENS Louis-Lumière, de La Fémis et de la CinéFabrique, l’AFC leur a proposé de contribuer d’une manière ou d’une autre aux articles publiés sur le site. Dans cette contribution, Juliana Brousse, étudiante en Image à La Fémis, fait part des impressions qu’ont produit sur elle les photographies de Bruno Nuytten et la rencontre avec lui.

« Je n’arrive pas à rentrer dans la réalité. » Bruno Nuytten termina cet échange par cette phrase. Après avoir quitté le métier de directeur de la photographie il y a une vingtaine d’années, il revient nous partager à nouveau ses images. Il ne peut s’empêcher d’enregistrer des parcelles de ce monde pour le regarder et en dévoiler des touches d’intimité.

L’exposition de ses photographies nous transporte par touches de couleurs, impressions contrastées dans un regard qui semble ne jamais s’arrêter. La suite de ces photographies est un voyage, avec sa route et ses arrêts. Certaines nous appellent à rester immobiles. Archives, par exemple. Un corps statique glacé par des bleus qui disparaissent pour laisser place à du blanc, du vide. On peut la lire comme une affiche arrachée ou comme une image numérique qui perdrait de ses informations, de ses pixels, au fil du temps. Cette femme ou cet homme embué(e) nous arrête quand La passante nous donne envie de courir. Elle nous échappe et ces jambes frôlées par cette veste flottante éclatent au milieu du bitume tacheté. Tokyo surgit, elle me parut plus immense encore que les autres, une impression étrange. Il ne reste plus qu’un visage, un reflet de lumière transformée en palette impressionniste de bleus et cette lueur, au centre du personnage. Cela pourrait être le début d’un conte.
L’échange organisé avec Yonca Talu reprenait dans ses grandes lignes les étapes de sa carrière cinématographique. Il commença par nous raconter que la machine, la caméra, une "machine à coudre" le fascinait très simplement. C’est le mélange du cinéma underground des années 1970 avec les rétrospectives du cinéma expressionniste allemand qui furent ses découvertes et une de ses premières formations, grâce notamment à Ghislain Cloquet qui laissait ses étudiants libres d’aller à la cinémathèque, de faire des films. Ce fut un immense plaisir de découvrir et revoir des extraits de sa filmographie : India Song, Barocco, Les Sœurs Brontë, Camille Claudel et des extraits qui l’ont inspiré comme Le Feu follet ou encore McCabe & Mrs. Miller.
Pour lui, le cadre est une place essentielle, c’est à cet endroit qu’un rapport sans discours se dresse avec les acteurs, avec le film. « On s’isole du monde entier. » Il nous raconta qu’il chercha toujours à éviter le "professionnalisme" et que ce qui l’attirait était la recherche et la construction d’images élaborées à la prise de vues et non en postproduction. C’est avec beaucoup de modestie que cet artiste nous partagea des petites histoires de sa vie et son rapport aux images.

Photo Juliana Brousse

En vignette de cet article, Yonca Talu et Bruno Nuytten - Photo Filip Tuchowski / Camerimage