Va, vis et deviens

Paru le La Lettre AFC n°141 Autres formats

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Le scénario de Va, vis et deviens s’inspire de faits réels et de témoignages que Radu a rassemblés lors de ses nombreux voyages en Israël. A la lecture de ce formidable projet, j’ai compris qu’il s’agissait d’une aventure que je ne pouvais pas ne pas connaître et qui, quelque part, était ce cinéma qui me faisait vibrer. J’avais rencontré Radu il y a quelques années, et j’avais secrètement émis l’envie de le retrouver un jour sur un plateau.

C’est chose faite, grâce aussi à Laurent Dailland qui a su nous donner l’envie à Radu et moi d’aller plus loin dans cette aventure. Israël a été une grande découverte, une grande leçon de vie et je remercie encore toute l’équipe israélienne de m’avoir accompagné pendant toutes ces semaines avec patience et passion. Vu le sujet brûlant et si émotionnel, j’ai donc décidé de travailler avec toute une équipe de Tel-Aviv : Rami Simentov au point ; Yehuda Sar Isarael, clapper ; Eudi Reimer, chef électricien et son équipe ; enfin Guy Naaman, chef machiniste. Radu voulait un film épique et un film documentaire, lyrique, touchant, vrai. Ses directions artistiques ont été nettes et franches dès le départ car il voulait respecter les " Falashas " et leur milieu culturel que nous allions décrire. Et surtout, nous allions tourner avec de nombreux juifs éthiopiens qui avaient vécu ces heures terribles des camps soudanais en 1985 et notre discrétion devait être de mise.

Repérage en janvier dans le désert du Negev pour la reconstitution du camp mais aussi pour rencontrer ceux et celles qui m’accompagneraient pour le tournage. Tournage à Tel-Aviv, Jérusalem et désert du Negev de mi-mars à mi-juin. J’ai rapidement compris que le film serait assez compliqué, car il s’agissait de filmer des personnages de couleur noire, habillés traditionnellement en blanc, vivant dans des intérieurs blancs, en compagnie de personnages de peau blanche et le tout souvent en pénombre. Pour corser le tout, le format adopté pour le film était le Super 35 Scope, avec les focales de prédilection de Radu entre le 14 et le 18 mm. J’ai eu donc l’occasion de me retrouver confronté à de beaux moments de doute et de scènes parfois insolubles. Mais tout ceci représentait si peu par rapport à ces incroyables moments d’émotion lorsque les Falashas débarquent sur le tarmac de Tel-Aviv, ou encore lorsque la mère du petit Schlomo l’oblige à la quitter...

Concernant la lumière, Radu m’avait laissé une certaine liberté, ne me demandant que d’avoir un négatif bien défini pour le gonflage et de respecter la peau des visages ainsi que le regard des acteurs. Ce n’est donc pas un film de lumière mais avant tout un travail d’écoute des lieux et des personnages : il ne s’agissait en aucun cas de dramatiser par la photographie mais, au contraire, d’approcher cette sensation très spécifique du documentaire sans en avoir sa forme typique. Le film s’inspire avant tout de la couleur de la ville et de ses contrastes : ville de couleur et de soleil (qui devait être présent dans la majorité des scènes), fortes lumières du matin et soleil à peine doré car trop brûlant et clair. Nous nous sommes finalement retrouvés dans une situation de studio naturel pendant les 3 semaines que nous avons passées à l’intérieur de l’appartement de Roschdy Zem car, selon le plan de travail, nous devions passer de jour en nuit dans la même journée et ce, plusieurs fois pendant le tournage. L’autre raison étant la volonté de soleil à l’intérieur de l’appartement, soleil très pénétrant d’où de nombreux Par 12 et 18 kW sur des tours afin de garder un diaph permettant de ne pas cramer les découvertes (parfois l’extérieur était à 7 diaph). L’ensemble de ce décor était borgnolé par le haut de l’immeuble et il suffisait de le descendre pour passer en nuit sans découverte (choix de mise en scène). Autre grand moment du film : les scènes de Bar Mitzva et de mariage avec une multitude de musiques et de danse, une des grandes spécialités de Radu.

Voilà, encore merci Radu pour cette confiance. Je tiens à préciser que jamais je ne me suis senti mal à l’aise ou dans une situation périlleuse et que j’ai énormément apprécié le bonheur de vivre des Israéliens qui dans leur majeure partie n’aspirent qu’à la paix et que j’ai probablement vécu un de mes tournages les plus chaleureux. Merci à eux.

Je tiens enfin à remercier Didier Dekeyzer et Miguel Bejo d’Eclair, ainsi que Gérard Savary pour la très belle copie de Berlin.

Va, vis et deviens a reçu le Grand prix du jury et le prix œcuménique au Festival de Berlin 2005.

Technique

Pellicules : Kodak 5218 et 5246
Caméra : Arricam LT Super 35
Optiques : Zeiss Ultra Prime
Laboratoire : Eclair chaîne argentique (inter positif Kodak, inter négatif Fuji, copie de série sur la nouvelle Agfa)
Etalonneur : Gérard Savary
Trucages : Edouard Valton et Thomas Coville