Vous ne désirez que moi

Résumé
« Compagnon de Marguerite Duras depuis deux ans, Yann Andrea éprouve le besoin de parler. Sa relation passionnelle avec l’écrivaine ne lui laisse plus aucune liberté ; il doit mettre des mots sur ce qui l’enchante et le torture. Il demande à une amie journaliste de l’interviewer pour y voir plus clair. »
C’est un film que j’aime énormément car à chaque fois que je le vois, j’entends autre chose ; j’entraperçois autre chose de la relation entre Yann Andrea et Marguerite Duras.

Le sujet
Claire Simon dans le dossier de presse: « Il (Yann Andrea) raconte au fond ce qu’il est arrivé à d’innombrables femmes – quand l’autre vous dit : « Vous n’existez pas, vous n’existez qu’à travers moi… » Ça fait des millénaires que les femmes entendent ça. Sauf que lui, c’est un homme et il est surpris d’être dans cette position. »

Emmanuelle Devos et Swann Arlaud - © Les Films de l'Après-Midi
Emmanuelle Devos et Swann Arlaud
© Les Films de l’Après-Midi

Bien sûr, il est question de "domination inversée" et c’est un sujet qui me tient terriblement à cœur mais ce qui me touche particulièrement et sûrement plus intimement, c’est le rapport à la fiction. Il y a dans ce couple, un rapport à un "autre monde", en l’occurrence celui des mots, la littérature. Ce binôme n’existe pas si il n’y a pas les écrits de Duras et la création, la passion artistique. C’est encore un autre cran dans la folie ou la dépendance, Yann l’appelle dans le film l’"absolu", "l’amour total" et c’est un rapport au temps et ça a à voir avec l’éternité.

L’art comme ce qui reste et l’amour comme ce qui se détruit ; et la tentation folle de vouloir vivre les deux en même temps, comme un idéal.

Le cadre
Claire cadre elle-même ses films et moi, ça faisait très longtemps que j’avais envie de la voir cadrer, c’est-à-dire penser, concevoir, agir… je ne suis jamais à cette place-là et c’était passionnant. C‘est sa manière à elle de s’investir physiquement dans le monde, en filmant.
Je l’avais eu comme professeure à La femis et il avait été question que je fasse la lumière des Bureaux de Dieu, en 2007. J’adorais déjà à l’époque son énergie et la générosité de cette énergie.

Tournage de "vous ne désirez que moi" - Swann Arlaud, Claire Simon derrière la caméra
Tournage de "vous ne désirez que moi"
Swann Arlaud, Claire Simon derrière la caméra
Claire Simon au cadre
Claire Simon au cadre

Claire était sur une Peewee pendant les entretiens filmés en plans-séquence de 30 à 45 minutes et dirigeait le machino François Galou, je savais qu’ils s’entendraient bien tous les deux car Galou aime se jeter à l’eau et ne pas savoir ce qu’il va arriver. J’avais milité pour plaquotter tout le décor pour être vraiment souple sur les places caméra autour des deux personnages.

Swann Arlaud - © Les Films de l'Après-Midi
Swann Arlaud
© Les Films de l’Après-Midi
Emmanuelle Devos - Dans le rôle de Michèle Manceaux
Emmanuelle Devos
Dans le rôle de Michèle Manceaux

La lumière
Claire m’a fait un des plus beaux compliments de ma vie d’opératrice : « J’aime beaucoup ta liberté avec la lumière ».
C’est la première fois que je fais ce qui revient d’habitude mon chef électro : être à l’iPad et changer la lumière pendant les plans, en fonction des valeurs de plan, de la lumière extérieure qui bouge et de l’heure… et changer le diaph au moteur aussi.
J’avais un plafond lumineux, dont je faisais varier l’intensité et la couleur en fonction des plans, (4 Kino Select au-dessus d’une toile et des installations de HMI à l’extérieur. )
Dans les deux entretiens, mon chef électro tenait un réflecteur et bougeait avec la caméra.
C’est très excitant d’être actif dans le plan quand on ne cadre pas. C’était vraiment un plateau où tout le monde avait quelque chose à faire.

Léonore Huisse, seconde assistante caméra, Mathias Sabourdin, premier assistant caméra, François Galou machiniste, Céline Bozon, Hadrien Ricol, chef électro

Ce qui était beau dans le travail, c’était que, d’un jour à l’autre, on comprenait mieux ce qu’on faisait ; on pouvait changer d’idée, l’améliorer, on creusait un sillon un peu à tous les postes, machinerie, assistanat, lumière ; la matière nous devenait de plus en plus familière….
Il y a même une prise où j’ai tout éteint d’un coup, en appuyant sur un mauvais bouton… No comment…

Le montage
Dans la méthode Claire Simon, le fait de monter au fur et à mesure et d’essayer de comprendre ce qui marche, ce qui ne marche pas ; ce qu’on comprend ou pas ; va toujours dans le même sens « tout ce qu’on sait, c’est qu’on ne sait rien » et donc être à l’affut et mobile, avoir des principes initiaux extrêmement forts mais être capable de les mettre à mal à n’importe quelle étape de la fabrication. Il faut monter la matière filmique pour y revenir, la façonner, la questionner jusqu’au bout.

Bande annonce


https://youtu.be/VQLj5KEnPHU

Portfolio

Crew

Premier assistant caméra : Mathias Sabourdin
Seconde assistante caméra : Éléonore Huisse
Machinerie : François Galou
Electricité : Hadrien Ricol

J’étais très contente de retrouver Julien Lacheray comme monteur (avec qui j’avais travaillé sur Des apaches, de Nassim Amaouche)

Technical

Matériel caméra : TSF Caméra (Arri Alexa Mini, série Leitz Summicron et zoom Angénieux Optimo 28-76 mm)
Laboratoire : Micro Climat
Étalonneur : Gadiel Bendelac

synopsis

En octobre 1982 Yann Andrea a demandé à Michèle Manceaux de l’interviewer. Il est le compagnon de Marguerite Duras depuis deux ans, il a 38 ans de moins qu’elle, et Michèle, journaliste et écrivain est une complice et une voisine de Marguerite. Ils se retrouvent au premier étage de la maison de Neauphle et la première phrase de Yann est « je voudrais parler de Duras ». Oui, il voudrait y voir un peu plus clair : l’intensité de sa relation passionnelle avec l’écrivaine ne lui laisse plus aucune liberté. Au cours de ces deux séances d’entretien, il essaie, avec la complicité de Michèle Manceaux, de comprendre ce qu’il vit, de savoir comment sauver sa peau, et de continuer à aimer Marguerite.