Vues de Montréal : la Viper et l’Origin, deux caméras HD non compressées
par Jean-Noël Ferragut, AFC, membre du département Image-Prise de vues de la CSTLe FCMM, dont la 32e édition s’est déroulée du 9 au 19 octobre à Montréal, est animé depuis sa création par Claude Chamberlan, dirigé par Luc Bourdon et se tient en majeure partie dans le complexe cinématographique Ex-Centris que préside Daniel Langlois, concepteur du logiciel d’effets spéciaux Softimage.
Le festival présentait cette année, entre autres sections, une programmation de premiers longs métrages, d’œuvres de cinéastes plus confirmés, de courts métrages, portraits ou documentaires dont un Regard sur la situation de l’Iran d’aujourd’hui, une sélection plus particulièrement dédiée au jeune public, deux rétrospectives des cinéastes Werner Herzog et Jiri Barta et un forum de rencontres public-professionnels composé d’ateliers-conférences sur la HD.
L’un d’entre eux proposait une présentation de la caméra Viper de Thomson (France) et d’un prototype de la caméra Origin de Dalsa (Canada).
Dans un premier temps, Franck Mougenot, responsable marketing chez Thomson, fit une description des différentes caractéristiques de la caméra Viper (voir ci-dessous) et donna les bases du concept " FilmStream " : amener l’image brute des CCDs en postproduction, c’est-à-dire ne pas traiter l’image dans la caméra et l’enregistrer telle quelle sans compression. Franck présenta les différents enregistreurs compatibles avec ce format, y compris un " magasin numérique " (mémoire RAM) rendant la Viper complètement autonome. Un comparatif entre les supports d’enregistrement compressés (sur bande comme cela se fait actuellement en HD) et l’enregistrement " FilmStream " (disque dur ou mémoire) fait apparaître un rapport 10 quant à la quantité d’informations restituées en postproduction, cette caméra offrant une plus grande latitude/liberté de travail sur l’image.
Après un bref aperçu des conditions dans lesquelles ces essais furent réalisés par les directeurs de la photographie de l’AFC (Jean-Jacques Bouhon, Jean-Noël Ferragut, Dominique Gentil, Willy Kurant, Dominique Le Rigoleur) suivirent, en " avant-première mondiale ! ", une première projection en 35 mm des images tournées sur support argentique, puis des mêmes images tournées avec la Viper et reportées sur film, et enfin une projection en numérique HD des seules images de la Viper.
Après que Pierre-William Glenn eut insisté sur le gain de qualité non négligeable que procure la HD non compressée dans le domaine de la captation d’images (définition, dynamique de l’image et rendu des couleurs) comparé à ce que l’on connaît aujourd’hui de la HD, les images captées avec la Viper furent projetées une deuxième fois, passant rapidement et en alternance pour chacun des plans du 35 mm au numérique HD. Les questions des professionnels québécois, dont un joli parterre de directeurs de la photo qui s’étaient déplacés à 9 heures 30 un lundi matin de week-end prolongé d’" Actions de grâce ", s’il vous plaît, furent à la hauteur de l’intérêt suscité par la vision de ces essais. La CST et l’AFC devraient les présenter à Paris très prochainement.
La deuxième partie de l’atelier fut animée par John Coghill et Lucien Ion, respectivement directeur et responsable de la recherche chez Dalsa Digital Cinema, qui énoncèrent les particularités du système de captation des images de la caméra Origin dont ils ont conçu le prototype (voir ci-contre).
Des essais projetés uniquement en numérique HD permirent de se faire une idée de la qualité de restitution des images que procure cette caméra, images dont le rendu, de par leur résolution et leur dynamique, dépasse largement ce qui nous est proposé couramment.
Pour conclure, si la qualité qu’offriront demain aux directeurs de la photographie ces nouveaux systèmes de captation numérique haute définition marque, dans leur domaine, un réel progrès en matière de création et d’obtention des images, il semble qu’il nous faille rester vigilant, à l’avenir, quant à leur postproduction et leur restitution en HD sur grand écran. En effet nous avons pu constater sur place des différences de rendu significatives entre les essais tels qu’ils furent projetés à Montréal et les mêmes images telles que nous les avions étalonnées à Paris par projecteur et moniteur HD interposés. Différences dues, sans doute, aux projecteurs eux-mêmes, selon leur marque, à la manière dont ils sont installés avec plus ou moins de rigueur dans les salles, mais aussi, et dans une plus large mesure, à la transparence même du processus que suivent nos images durant leur traitement.
Celle-ci ne devrait-elle pas passer par l’utilisation systématique d’interfaces et de tables de conversion ad hoc que proposeraient fabricants et prestataires - de la caméra au projecteur via la chaîne de postproduction - permettant à ces mêmes images de franchir ces différentes étapes de la façon la plus lisible et cohérente possible ? Cohérence, lisibilité et transparence sans lesquelles, à nos yeux de directeurs de la photo, dont l’une des toutes premières tâches consiste, avec un maximum de liberté, à faire des choix à la fois artistiques, techniques et économiques, le pari du numérique ne sera jamais totalement gagné.
Point crucial qui devrait être l’un des nombreux sujets de réflexion au sein de la CST (et de l’AFC) et l’une des préoccupations majeures du département Image-Prise de vues, en relation avec les autres départements concernés.
Mercis au FCMM, à Lucille Demers, responsable du programme de perfectionnement professionnel au STCVQ, ainsi qu’à notre confrère québécois Daniel Vincelette (CSC) pour leur très chaleureux accueil lors de ce court séjour à Montréal.