Zidane, un portrait du 21e siècle...
" Une grande équipe " par Darius KhondjiCe sont des fans de foot et particulièrement de Zidane. J’aime beaucoup leur travail et bien sûr, j’aime aussi beaucoup Zidane et sa façon incroyable de jouer au foot. Quand ils m’ont proposé de filmer Zinedine Zidane pendant un match de la " Liga " (championnat espagnol), ils ne m’ont pas parlé tout de suite d’un film, mais d’une œuvre vidéo destinée aux galeries et musées du monde entier.
Ce n’est que peu de temps après que l’idée de film leur est venue, idée qui m’a beaucoup plu.
Une liberté de création se dégageait de leur projet : " un désir de démocratisation de l’image " où une centaine de personnes choisies dans le public tiendraient une caméra DV et participeraient aux angles de prises de vues. Certaines de ces idées ont été abandonnées au profit d’autres.
Philippe et Douglas désiraient mélanger les matières, supports de pellicule et de numérique, le 35 mm, le Super 16 mm, la HD et le DV. Nous avons tourné des essais sur place et nous avons trouvé que le 35 mm était la matière la plus belle pour notre film. Nous avions aussi décidé de tourner le film en Cinémascope, mais n’ayant pas réussi à trouver assez de caméras et surtout d’objectifs Scope en très longue focale, nous avons donc opté pour le Super 35 mm. Nous désirions une image en longueur dont le format serait le plus éloigné possible de celui de la télévision.
Ne connaissant pas bien le foot et après avoir vu quelques grands matchs avec mes deux réalisateurs, il me semblait qu’une rencontre de ce genre s’apparentait un peu à une bataille de légende comme dans certains tableaux de Paolo Uccello, une bataille antique et moderne à la fois, comme dans un jeu vidéo. Le matin du jour du match, Philippe et Douglas ont organisé une visite privée du musée du Prado afin de nous faire découvrir certaines œuvres qu’ils aimaient et qui auraient inconsciemment pu nous influencer dans nos cadrages et notre vision d’un tel match filmé sur le vif.
Nous avons vu les tableaux " noirs " de Goya, certaines peintures de Velásquez et d’autres œuvres magnifiques exposées dans ce musée. Toute notre équipe a été, je crois, très impressionnée par cette visite.
L’idée première pour moi était techniquement d’avoir les zooms les plus puissants pour se retrouver au plus près de Zidane, autour de lui et comme si nous étions dans sa tête et dans son regard.
Natasza Chroscicki m’a mis en contact avec Bob Bietcher le directeur de Panavision International. Il nous a proposé deux prototypes de zooms pour les caméras HD, extrêmement puissants, construits pour l’armée américaine ou en tout cas réquisitionnés par elle.
Après les repérages, nous avons travaillé longtemps sur les positions de caméras, placées stratégiquement en fonction des déplacements possibles de Zidane. Nous avons ensuite décidé d’utiliser 12 caméras 35 mm, 3 caméras HD et 2 caméras Super 16 pour la mobilité autour du terrain.
J’ai réuni certains des cadreurs les plus intéressants et doués du moment, dont Berto qui est un de mes cadreurs préférés, tous pays confondus. J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à voir travailler d’autres très bons cadreurs, Eric Bialas et une directrice photo très douée, Johanne Debas, qui a eu la gentillesse de venir cadrer une de nos caméras, ainsi qu’un jeune directeur photo italien que j’aime beaucoup Giulio Pietromarchi.
Chance supplémentaire, David Dunlop, dont j’aime beaucoup le travail de directeur de la photo et de cadreur (il a beaucoup cadré pour Martin Scorcese et Michael Balhaus) était disponible et très excité par le projet.
Nous avons aussi fait appel à des cadreurs de la NFL (National football ligue) venus de Californie. La plupart des autres cadreurs et techniciens sont venus de différents pays d’Europe : Grande-Bretagne, Italie et Espagne. Toute l’assistance technique pour les caméras sur film était orchestrée par mon excellent assistant, Fred Martial Welter qui a supervisé toute la préparation des caméras et des objectifs. Je lui suis très reconnaissant pour tous ses conseils.
J’ai été vraiment très aidé par Natasza et aussi Alain Coiffier de Panavision France et par un excellent technicien français, Olivier Garcia, pour le réglage des caméras HD qui devaient raccorder le plus possible avec le 35 mm.
Les images sur support film ont été tournées avec de la pellicule Fuji 500 Eterna et nous l’avons surdéveloppée d’un diaph. Hervé Schneid qui est un grand monteur a prêté son immense talent au film.
Pour la postproduction et l’étalonnage du film, Lionel Kopp et Didier Lefouest ont fait avec passion un très beau travail sur l’image. Les deux réalisateurs et moi-même avons été très impressionnés par le travail de toute cette équipe.
Le match a bien sûr été filmé sans aucun autre éclairage que celui du stade Santiago Bernabéu du Real de Madrid. »