Pierre Dupouey

La Lettre AFC n°118

Les voies de la photographie cinématographique, et celles de l’association des directeurs qui porte son nom, sont-elles impénétrables ? Question existentielle s’il en est que ne se posent plus désormais, ni Pierre Dupouey, ni Gilles Henry !

Vous permettre de faire plus ample connaissance avec Pierre Dupouey est pour moi, comme qui dirait, regarder le monde par l’autre bout de la lorgnette.
En effet, bien souvent, les membres de l’AFC proposent à leurs pairs un opérateur qui a été, il y a plus ou moins de temps de cela, leur assistant, ou bien quelqu’un de leur génération ou, mieux encore, quelqu’un remarqué plus récemment pour son travail.
Pour en revenir à Pierre, c’est à moi, petit jeunot qui l’assistais il y a belle lurette, qu’il incombe de vous présenter ici l’un de mes aînés…

Pierre Dupouey, à sa sortie de l’école de la rue de Vaugirard (1964 - 1966, un excellent cru, celui des Robin, Rousselot, Serra, pour ne citer que ceux estampillés AFC), débute comme reporter-cameraman, à l’époque des grands magazines tels que "Panorama" et autres "Cinq colonnes à la une".
Chef opérateur, il éclaire de nombreux courts métrages dont "La Pâtisserie", dans lequel Sophie Tatischeff met en scène avec bonheur les habitants de Sainte-Sévère, charmante bourgade de l’Indre, qui se prêtèrent aux facéties de son auguste père pour le tournage de "Jour de fête", ou "L’Eclipse", de Michel de Vidas, primé à Chalon pour la photographie.

Directeur de la photographie depuis 1974, Pierre côtoie ainsi, sur de nombreux documentaires, films de télévision ou longs métrages, des réalisateurs tels Roger Leenhartd, Chris Marker, René Allio, Pierre Schoendoerffer, Hugo Santiago, Iradj Azimi, Brigitte Roüan, Youssef Chahine… En 1976, il photographie son premier long métrage, "Pauline et l’ordinateur", réalisé par Francis Fehr.
Suit alors une première collaboration avec le " violoncelliste, ingénieur du son et réalisateur " Jean Baronnet pour le film "Skinoussa" (1979), sur lequel Pierre me prit comme assistant, me laissant l’opportunité de finir le film à la photo, étant lui-même parti tourner sous d’autres horizons.

Une nouvelle première rencontre va influer sur le cours de sa carrière, celle du réalisateur Claude d’Anna, pour qui il photographie "Partenaires", en 1984, interprété avec une sensibilité toute remarquable par Nicole Garcia et Jean-Pierre Marielle.
Pour avoir fait les très belles images de "Macbeth", opéra mis en scène pour le cinéma et deuxième collaboration avec Claude d’Anna (sélectionné à Cannes en 1986), Pierre est sollicité à maintes reprises pour créer, en France comme à l’étranger, les lumières de nombreux spectacles, tant au théâtre que sur des scènes chorégraphiques et lyriques.
L’Opéra Bastille, Marseille, Avignon, Orange, Salzbourg, Göttingen, sont ses plateaux favoris, le cinéma et la musique, ses « carrefours » de prédilection.
Les chemins de la mise en scène au cinéma le tentent. Il réalise en 1991 "Vincennes-Neuilly", long métrage interprété par Françoise Brion, Henri Garcin, Philippe Etesse, Anne Kessler… C’est par le biais de la musique qu’il aborde ceux de la réalisation de documentaires, signant régulièrement des portraits de musiciens, pour Arte et Mezzo, ainsi que des portraits pour "Un siècle d’écrivains".

La lumière « actrice », selon le mot de Charlie Van Damme, Pierre l’a pratiquée, outre auprès de Claude d’Anna, grâce en particulier à Charles Matton sur "Rembrandt van Rijn" (1998) et plus récemment grâce à Gérard Corbiau pour qui il vient d’éclairer le téléfilm, sur support vidéo numérique (mais pas encore diffusé), "Saint-Germain ou la négociation".
S’il n’a pu accepter, pour cause d’emploi du temps bien rempli, de faire les images du prochain film de Youssef Chahine, on pourra découvrir, courant février, les lumières qu’il aura créées pour "Elektra" de Richard Strauss à l’Opéra de Marseille ; il débute en outre la préparation, à la réalisation, d’un gros projet de film pour Arte à l’occasion du bi-centenaire d’Hector Berlioz, mêlant fiction, documentaire, images réelles et trucages.
Pierre estime que « l’usage des outils numériques offre aujourd’hui, et offrira plus encore demain grâce aux progrès de l’informatique, des perspectives passionnantes pour ce qui concerne les métiers de l’image, dans le domaine du cinéma et particulièrement des techniques utilisées en vidéo ».

En t’accueillant parmi nous, Pierre, c’est non seulement à l’homme d’image que nous souhaitons sincèrement la bienvenue, mais aussi à l’homme de culture (rassure-toi, personne, à l’AFC, ne possède de revolver !), dans l’espoir d’explorer et de partager avec toi, au fil de nos rencontres, quelques-uns des lopins de ton jardin secret.