"Le financement du cinéma de nouveau sur la sellette"

Par Clarisse Fabre

La Lettre AFC n°238

Le Monde, 11 décembre 2013
La publication, dans Le Journal du dimanche du 8 décembre, d’un article titré " La vraie facture du cinéma français ", a mis en émoi la profession et a fait réagir la ministre de la culture, Aurélie Filippetti. Dans un communiqué publié lundi 9 décembre, la ministre de la culture et de la communication dénonce des « amalgames et contre-vérités ». Et elle rappelle que le secteur du cinéma « présente 340 000 emplois et 1 % du PIB ».

Le JDD évoque un « rapport que vient d’achever la Cour des comptes » et qui « vient d’atterrir » sur le bureau de la ministre de la culture et de la communication. Or l’entourage de la ministre assure « ne pas savoir sur quel document se base le JDD ». Certes, le ministère a été entendu par la Cour des comptes qui enquête sur la filière cinématographique depuis fin 2011, mais la procédure contradictoire est en cours et le rapport définitif était attendu pour fin mars 2014.

Selon le JDD, citant le document de la Cour des comptes, « l’effort public » en faveur de l’audiovisuel et du cinéma s’élèverait à 1,6 milliard d’euros (près d’un milliard d’euros pour l’audiovisuel et 600 millions d’euros pour le cinéma). Pour parvenir à ce chiffre dans l’audiovisuel, le rapport se fonde sur les 963 millions d’euros d’« obligations réglementaires des chaînes publiques et privées », lesquelles doivent consacrer un pourcentage de leur chiffre d’affaires au financement des films. Pourtant, comme le souligne un responsable de chaîne, « il s’agit certes d’un investissement contraint, mais en aucun cas d’une subvention ».

Les moindres performances du cinéma français en 2013
De même, comme le rappelle le communiqué du ministère, le fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est déconnecté du budget de l’Etat : il est entièrement alimenté par les diverses taxes versées des diffuseurs d’œuvres (salles de cinéma, éditeurs de DVD, etc.). Quant aux crédits d’impôt dans l’audiovisuel et le cinéma, qui seraient, selon le JDD, responsables d’un accroissement de l’intervention publique, ils ont aussi pour objectif, rappelle le communiqué du ministère, d’attirer des tournages étrangers en France, et visent à éviter la délocalisation de tournages de films français. Au final, ils génèrent des emplois et des retombées économiques – un euro investi par l’Etat aboutirait à 4 euros de " recettes ".

L’article s’attarde aussi sur les moindres performances du cinéma français en 2013. En effet, la fréquentation en salles est en recul et devrait s’établir à 195 millions d’entrées en 2013, contre environ 216 millions en 2011. La part du cinéma français devrait avoisiner 32 % – ce qui ferait déjà rêver l’Allemagne ou l’Italie ! – quand elle approchait les 40 % ces dernières années. Les films français, et aussi américains, ont moins séduit le public.

Le JDD pointe certaines dérives – manque de transparence des financements, etc. – sur lesquelles le CNC travaille dans le cadre des Assises du cinéma. Le journal affirme que l’avance sur recettes du CNC – une aide destinée aux réalisateurs émergents, ou aux cinéastes confirmés préparant un film difficile – n’est remboursée que dans 5,2 % des cas. Et s’étonne que même des films dits " rentables " ne restituent l’argent qu’à hauteur de 80 % – en fait, seule une partie de l’avance sur recettes doit être remboursée. L’hebdomadaire cite le cas d’Indigènes, de Rachid Bouchareb, sélectionné à Cannes en 2006. Ce qui fait s’étouffer un bon connaisseur du dossier : « C’est drôle, mais dans un autre rapport de la Cour des comptes sur le CNC, rendu en 2012, Indigènes était au contraire cité comme un élève modèle par rapport au remboursement de l’avance sur recettes. Il faudrait savoir… »

La question du financement du cinéma français avait donné lieu à un vaste débat, il y a tout juste un an, après une tribune, signée par Vincent Maraval dans Le Monde du 29 décembre 2012 où le producteur de Wild Bunch dénonçait les salaires démesurés de quelques stars du cinéma.

(Clarisse Fabre, Le Monde, 11 décembre 2013)