Les Regrets

« Je suis toujours surprise par la façon dont les idées nous viennent et prennent forme, je crois que Rouch parlait d’approximations successives à propos de son travail. Il me semble que cela correspond assez à la méthode que j’ai suivie avec Cédric Kahn ; avec lui, il ne faut pas vouloir contrôler et c’est là que le travail peut devenir un jeu et un plaisir... »
Céline Bozon et Cédric Kahn - Sur le tournage des <i>Regrets</i><br class='manualbr' />Photo Jean-Claude Moireau
Céline Bozon et Cédric Kahn
Sur le tournage des Regrets
Photo Jean-Claude Moireau


« Encore une fois, j’ai eu la sensation que la méthode du réalisateur devenait par fusion, contagion, proximité, la mienne. Cédric a des idées très précises de mise en scène, de rythme, de narration mais, à partir de là, tout est encore possible : les scènes évoluent en tournant, il faut se projeter en permanence et réajuster au fur et à mesure, vite, très vite.
Il faut continuellement se reposer la question de pourquoi on a fait les choses initialement, cela demande beaucoup d’énergie et parfois les choix n’ont plus de sens au moment où la scène avance ; c’est assez étonnant cet instant de bascule ; une position de visage, une place de projecteur qui devient caduque ou pire, nuisible.

Il faut savoir éteindre et surtout rectifier très vite car bien sûr, une fois que la scène est lancée, plus question de prendre de la place pour la lumière sur le plateau.
Les choix initiaux qui ont eu lieu pendant la préparation et les repérages sont donc décisifs et les heures de prépa ou de pré light doivent être nourries d’idées, de visions, il faut aller les chercher dans les indices que Cédric laisse échapper (il faut parfois les lui extirper).

Quand on découvre un réalisateur, on ne sait pas comment il procède, quel est son rythme. Ce rythme intérieur, propre au réalisateur, sa pulsation, imprègnent tout le plateau et son fonctionnement, le cœur du plateau bat au rythme de la pensée et du corps du réalisateur.
C’est ce rythme que l’on tente de percevoir dès la préparation, car il aura autant d’influence que les choix esthétiques objectifs ; c’est à la fois très excitant et très angoissant car on peut très bien s’entendre sur les idées et passer à côté de cela et alors on rate l’objectif, on passe à côté du film.
En préparation, Cédric donnait l’impression que tout était contre lui, que tout n’était qu’obstacle et résistance et, à fortiori, les contraintes de l’opérateur. Le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’étais pas sûre de ce que je pouvais lui apporter, mais finalement j’ai trouvé un " angle ", un " rapport ".

En fait, il demande la même fermeté en face, la même autonomie. Je me suis fabriqué mes propres exigences, j’ai affirmé mon goût personnel, une forme de subjectivité. Mais cela n’est pas venu tout de suite ; au début du tournage, j’essayais surtout de suivre les idées que Cédric avait formulées : bien voir les acteurs, ne pas être trop sombre, faire une lumière réaliste, " juste ", ne pas être trop formel.
Du coup j’éclairais beaucoup un peu partout de manière assez plate. J’ai pris beaucoup plus de liberté quand j’ai senti la nécessité de ma propre autonomie. Et toutes ces notions : réalisme, bien voir, justesse, se sont incarnées de manière beaucoup plus vivantes, joyeuses et inspirées, enfin j’espère.

Voilà, in fine, c’était un vrai plaisir de voir Cédric en action, de filmer Valeria Bruni Tedeschi et Yvan Attal. La demande de Cédric par rapport au cadre était très excitante, il y a avait peu ou pas de répétitions et il s’agissait d’être toujours aux aguets et le plus vif possible.
Au début, j’ai eu beaucoup de mal, mais il me demandait systématiquement de centrer les acteurs pour une dynamique de montage plus souple, le décentrement empêchant une forme d’efficacité du regard. Il y a avait deux caméras et Cédric cadrait la deuxième.

Techniquement, on était en Super 16 mm avec des optiques Ultraprime, des Classic soft en diffusion et une postproduction numérique (2K) avec Philippe Boutal chez Eclair.
Je voudrais remercier encore une fois mon chef électro Pierre Bonnet sans qui justement je ne ferais pas les mêmes choses et puis TSF qui m’a encore une fois soutenue sur ce film et particulièrement Frédéric Valay et Danys Bruyère. »

Assistantes : Marion Befve et Claire Nicol
Chef électricien : Pierre Bonnet
Chef machiniste : Paul-Claude Bessière

Technique

Pellicules négative et positive : Kodak 7201, 7219, 7205 et positive Kodak 5283
Laboratoire argentique & numérique : Eclair
Etalonnage numérique : Philippe Boutal
Matériel caméra : TSF Caméra, SR3 et série Ultra Prime
Matériel lumière : TSF Lumière
Matériel machinerie : TSF Grip