Entretien avec Guillaume Schiffman, AFC, à propos du film "En solitaire", de Christophe Offenstein

par Angénieux La Lettre AFC n°238

A l’occasion de la sortie en salles du film En solitaire, de Christophe Offenstein, Thales Angénieux s’est entretenu avec le directeur de la photographie Guillaume Schiffman, AFC, qui fait part de son expérience avec les zooms Angénieux.

En solitaire est sorti en salles il y a quelques semaines, quels souvenirs vous reste-t-il de ce tournage ?

Guillaume Schiffman : Ce film reste pour moi une aventure extraordinaire. Deux mois de tournage en mer sur un bateau de course et une belle amitié partagée. Un tournage ne peut se faire sans confiance et solidarité. Ceci est d’autant plus vrai sur un bateau, où aucune échappatoire n’est possible. Et puis, travailler avec Christophe, c’est travailler avec un ami. Il a été chef électro dans mon équipe, puis il est passé chef op’ – je l’avais encouragé à le faire – et maintenant il réalise son premier film. J’ai été ravi de le filmer pour lui et j’aurais été très en colère qu’il appelle quelqu’un d’autre. C’est lui qui a cadré la deuxième caméra et cela a été un vraiment plaisir d’échanger ici ou là nos points de vue.

Quels sont les critères de sélection qui ont présidé au choix de vos équipements optiques ?

GS : Les conditions de ce tournage étaient telles : espace limité d’un bateau en pleine mer soumis aux intempéries et aux vibrations des vagues. Mon souhait et celui de Christophe, ont donc été de limiter au maximum les manipulations sur les caméras. Nous ne pouvions être que quinze sur le bateau. En plus des trois marins dont un skipper qui devait faire le Vendée Globe, des deux comédiens François Cluzet et Samy Seghir, il y avait deux assistants caméra, deux machinistes, un chef électro, un assistant réalisateur qui faisait aussi script, deux personnes au son, un accessoiriste qui aidait aussi à la machinerie, et une personne qui gérait le maquillage-coiffure et les costumes. Et il n’est pas rare que l’un ou l’autre participe aux manœuvres ! Sans parler du mal de mer… !
Sur le bateau, nous avons travaillé avec deux caméras Red Epic équipées des " mini-zooms " Angénieux, 15-40 et 28-76 mm. Nous n’avions pu avoir à l’époque le tout nouveau 45-120 mm.
Sur l’ensemble du tournage, la série Zeiss n’est sortie que quatre ou cinq fois.

Comment se sont comportés nos zooms dans les conditions du tournage ?

GS : Les équipements ont été soumis aux embruns, au vent, au froid… aux mouvements du bateau. Un bateau de course ça vibre, ça claque !... Les équipements étaient embarqués chaque jour, montés sur le bateau et chaque soir, ils étaient nettoyés méticuleusement par les équipes à terre…
Sur le bateau, nous avions des housses spéciales pour protéger les caméras et les optiques. Et au cours des tests, nous avions trouvé l’idée de ces gros poufs modulables qui montaient et descendaient pour encaisser les coups et les vibrations du bateau. Grâce à cela, Nous avons pu travailler à l’épaule les coudes appuyés sur ces gros coussins.
Le choix des zooms a été un choix judicieux. Ils se sont très bien comportés, nous n’avons eu aucun souci de condensation. Pour éviter que l’eau salée n’abîme la lentille avant, nous avons utilisé une glace optique.

Quelles qualités avez-vous particulièrement appréciées ?

GS : Je connais déjà bien ces zooms – je les ai utilisés sur beaucoup de mes films : Elle s’en va, Populaire, OSS 117, Gainsbourg… J’apprécie la douceur de ces zooms. Nous ne pouvions pas utiliser de filtres. Ils amènent un peu de rondeur à l’image numérique à l’inverse d’autres optiques qui donnent un rendu trop " sharp ". Avec ces zooms, nous n’avons aucun problème de colorimétrie. Ils sont assez doux mais restent précis et pointilleux. Ils ont un côté très " cinéma ".

Quels types d’images ont-ils servis ?

GS : L’intention de Christophe était de reconstituer l’atmosphère confinée d’un bateau. Nous avons évité le plus possible les plans larges. Les deux zooms (15-40 et 28-76) couvraient toute la gamme de focales dont nous avions besoin. La plupart des plans se sont fait dans la plage 28-40 mm et souvent au 32 mm. Donc on interchangeait simplement les deux zooms. La focale la plus longue dont nous disposions était le 76 mm. On a dû faire deux plans au 20 mm, c’est tout.
Avec la sensibilité des caméras numériques actuelles, l’ouverture à 2,6 n’est plus un souci. Même sur un bateau, à 800 ISO, c’est très bien.

Vous parlez de " mini-zooms ", quels avantages voyez-vous à leur taille ?

GS : C’est clair, ils sont petits, légers, très pratiques. Ils équilibrent bien les caméras. On peut les porter à l’épaule.

Quelques mots sur le 24-290 qui a servi, je crois, pour les images à terre ?

GS : Vous voulez dire " Patator ", c’est comme cela que nous le surnommons … Je l’adore !

Votre sentiment sur le fait de faire un film entièrement au zoom ?

GS : Il est de plus en plus courant de faire des films avec des zooms. Tourner au zoom n’enlève évidemment rien à la qualité d’un film. Le choix d’une optique répond pour moi plus à un choix de vocabulaire cinématographique, de type de narration, une démarche de mise en scène. D’autant plus avec le numérique.
Je viens de terminer le tournage en Géorgie de The Search, de Michel Hazanavicius, par exemple. Un film bien différent des précédents, un drame avec en toile de fond les conflits en Tchétchénie… Nous avons fait 99 % du film à l’épaule au 45-120 ! Nous avons gardé quelques optiques fixes – des Cooke S5 – sur des plans larges ou des séances de nuit un peu compliquées… Mais Michel n’aime pas trop les plans larges en général et ce film de guerre requérait une prise de vues un peu " sauvage ", des gros plans, il fallait montrer l’urgence tout le temps… Le 45-120 a été parfait.

(Propos recueillis par Edith Bertrand - Thales Angénieux)