Jours d’août

Dies d'agost

« Jours d’août, initialement appelé El Peix cat, en catalan, le poisson-chat, en français.

Poissons-chats que les Allemands ont importés, il y a plusieurs années dans le centre de la Catalogne, qu’ils ont déversés dans le fleuve de l’Elbre, puis ils ont ouvert des campings, afin que chaque année, ils puissent venir pêcher leurs poissons-chats, en organisant des concours. Un film à la base " écologique ", car un des propos était de montrer comment cette invention géniale du tourisme germanique avait réussi à détériorer complètement la flore aquatique de cette région.

Marc Recha avait une obsession pour ce film, c’était comment filmer au mieux la nature, rendre " grande " à l’écran cette portion de paysage du milieu de la Catalogne qui a des airs de Grand Canyon. Sur fond d’enquête familiale, les deux frères Recha comme principaux interprètes, la voix-off de leur sœur cadette, les campings des Allemands et des Anglais comme décors, le tout à 40° degré à l’ombre, et encore quand il y en avait.

Marc avait carte blanche pour ce film, pile quatre semaines de tournage, avec une équipe pas très conséquente, mais par contre, beaucoup de pellicule (en 35 bien évidemment...). Je suis arrivée sans avoir fait de repérages, avec Benoît Rizzotti comme assistant qui avait fait sa semaine d’essais caméra à Barcelone, un bon dîner qui avait dû se terminer fort tard, et le lendemain matin, motooooor ! Une liberté finalement assez agréable, des comptes à rendre à personne, une production de Barcelone qui avait réuni les fonds nécessaires et qui nous faisait totalement confiance, les premiers rushes tirés sur pellicule 35 lui plaisaient, alors on pouvait continuer.

Des journées entières sur des lacs et rivières à filmer depuis des bateaux très plats et silencieux. La caméra était à 20 cm de la surface de l’eau. Benoît avait toujours son charging avec lui, car il passait son temps à charger décharger, charger décharger...

Préparer également une scène, la répéter cadre par cadre en plein soleil, puis la tourner en 5 plans en une demi-heure au moment du chien et loup. On finissait bien évidemment toujours à 1.3, avec un poussé de +1diaph à la dernière prise...

Et le lendemain matin, à 10 heures maximum, on tournait déjà le premier plan de la longue journée qui nous attendait.

Et bien sûr je jonglais constamment - c’est une mauvaise habitude, je le sais - avec les développements grains fins 1 diaph, 1/2 diaph, ou les poussés + 1/2 et +1. Le laboratoire Image film à Barcelone ne surfacturait pas ce genre de demande, ce qui a été une aubaine pour moi. Le tirage des copies en Vision Premier est d’ailleurs chez eux d’un surcoût quasi négligeable (je n’ai toujours pas compris pourquoi). Et je dois avouer, sincèrement, que la pellicule Kodak est très fiable quant aux rendus des détails et des différentes nuances de couleurs dans les grands espaces. Ce que j’avais eu un peu tendance à oublier à force de filmer plutôt en intérieur, ou en ville.

J’aime beaucoup ce film, il est assez déconstruit, mais il a une liberté d’expression très particulière, non formatée, c’est une autre forme de cinéma, qui peut encore exister. En France, je pense que financièrement, ce genre de projet n’est plus vraiment réalisable. C’est aussi dans ce style de film où notre fonction n’est pas tout à fait anodine, il faut pouvoir filmer pile au moment où il faut, et si par rapport à la lumière, c’est trop tôt ou trop tard, il faut le dire, et ce n’est pas grave, on reviendra, et on tourne autre chose en attendant. Sans regret, sans tergiversation.

Merci beaucoup au laboratoire de Barcelone, Image Film, et à son étalonneur Angel Santa Creu avec qui j’avais pris l’habitude, comme sur les deux précédents films, de parler par onomatopées, car il ne parlait pas français et mon niveau en catalan n’a jamais été très élevé. Angel a malheureusement pris sa retraite cette année, comme d’ailleurs d’autres qui vont faire comme lui, que nous connaissons bien, dans certains laboratoires ici en France. »

Technique

Pellicules : Kodak 5218 et 5205

Caméra : Moviecam compact, série Zeiss Grandes Ouvertures.