L’Été dernier

Ce film est une adaptation d’un film danois Queen of Heart, jamais sorti en France, que Saïd Ben Saïd a proposé de réaliser à Catherine Breillat, pensant qu’elle ferait “mieux que l’original”.

Catherine, hémiplégique suite à un accident cérébral, n’avait pas tourné depuis Abus de faiblesse, en 2013, et pensait peut-être ne plus jamais faire de film.

Mais à la vue du film : « J’ai été stupéfiée par ce mensonge qui y est raconté. Proférer un si gros mensonge et arriver à le faire croire à l’autre, il faut quand même être dans une forme de vérité pour y arriver ! Je trouvais que c’était un dispositif scénaristique absolument génial, digne de Shakespeare. » (...) « Sur le papier, c’était effectivement l’histoire d’un adultère avec un beau-fils beaucoup trop jeune, etc. Mais ce n’est pas ça que je voulais raconter. Je n’aime pas le cinéma réaliste, quand on le cantonne à dire des choses convenues, étriquées, moralistes. L’art moraliste enlaidit et rétrécit les gens. Mais l’Art est moral car il les embellit, porte un regard sur eux qui les épanouit, les transfigure. Contrairement à ce qu’on croit, je suis hyper romantique ! Je suis obsédée par la pureté, c’est pour ça que je ne supporte pas l’adjectif "sulfureux" à mon égard. Ni que l’on dise que je fais du cinéma érotique. Je hais l’érotisme ! L’érotisme, c’est la manière dont les hommes voient les femmes comme objet de consommation. Je n’ai jamais mis le moindre érotisme dans mes films. Il y a certes de l’âpreté et de la sexualité, parce que je me suis interrogée sur mon identité sexuelle depuis le début. Mais mes films sont avant tout poétiques. Ce qui m’intéresse, c’est le désir, l’amour, la pulsion amoureuse, la culpabilité… Enfin tout ce qui nous échappe, tout ce qui est de l’ordre du non-dit et que j’appelle notre "lieu commun". »


Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager quelques extraits du dossier de presse du film, elle est si pertinente ! Vous comprendrez pourquoi j’étais si heureuse de faire ce film avec Catherine, à quel point j’aime son cinéma, depuis la découverte de A ma sœur, son point de vue sur le monde, son esprit, son exigence, la force de son univers esthétique. C’était une joie qu’on me propose le projet et ça a été un bonheur de le tourner.
Nous avons tout de suite eu une très bonne relation, le dialogue était fluide, j’étais assez curieuse de voir comment elle allait filmer ses scènes.
Le budget très réduit du film nous a imposé un tournage de cinq semaines, heureusement dans un lieu presque unique, (la grande maison du couple), malheureusement en bords de Seine et sous un couloir aérien, soumis à un traffic quasi ininterrompu de péniches et d’avions.
Un temps de tournage très court dont nous n’avons pas vraiment souffert parce que Catherine découpe peu. Les scènes importantes du film sont très précises dans sa tête au moment du tournage.


Quand l’enjeu des scènes était faible, nous avions une assez grande liberté, les acteurs et moi. En revanche dès que nous abordions des scènes d’une grande importance, elle devenait d’une précision diabolique, avec les acteurs et avec la caméra. Elle cherchait une forme de symbolisme comme on le trouve dans les tableaux. Une forme d’épure. Sur ce film, ça a été Marie Madeleine en extase, du Caravage, qui a été sa référence pour une des scènes d’amour, pour le jeu et la position de Léa Drucker.

"Marie-Madeleine en extase" Le Caravage - Collection privée
"Marie-Madeleine en extase" Le Caravage
Collection privée


Sur bien d’autre séquences, les acteurs devaient rester impassibles, avoir des gestes lents, avoir le regard fixe en coin par exemple, ou bien encore monter les escalier à reculons en pleine scène de dispute.
Une expérience très inhabituelle pour moi qui vient plutôt d’une école où dans un cadre précis il est laissé une grande liberté aux comédiens.
Nous tournions peu de plans donc et très souvent les scènes étaient prévues sur un des deux acteurs et sans contre-champs pour plus de sens, de force et de limpidité.


En termes de lumière elle voulait le visage de Léa transparent, très clair, évanescent, même quand nous tournions en contre-jour. Elle voulait les yeux bleus de Léa, le grain de la peau de Samuel.
Au maquillage, des teints rosés, les costumes sous son contrôle, talons aiguilles, robe fourreau des années 1950, coiffure hitchcockienne.

Ce film a été un mélange de naturalisme, avec par moment, une mise en scène au bord de l’expressionnisme, c’était déroutant pour les acteurs aussi.
Elle a été très présente aussi à l’étalonnage, elle voulait assister à tout jusqu’au bout. Je sais qu’elle a été vraiment heureuse sur le tournage, malgré une toute nouvelle équipe imposée par Saïd ça a été comme un nouveau démarrage, comme un nouveau premier film… ?

En tout cas une très belle expérience pour moi et un très beau film.

Un autre extrait du dossier de presse [NDLR]
J’ai l’impression que tout en poursuivant ce que vous avez toujours mis en scène dans vos films, vous le faites de façon plus simple et solaire… « Le film ne s’appelle pas L’Été dernier pour rien ! Je voulais un titre limpide et faire un film solaire, en finir avec cette image fausse que les gens ont de moi et de mes films. Et puis c’était mon retour au cinéma, à soixante-quinze ans. L’enjeu pour moi était absolument énorme… Un tournage, c’est la jeunesse, mais la jeunesse de l’âme, la jeunesse de la foi dans le cinéma. Et moi, je n’ai pas besoin d’être jeune puisque mes acteurs le sont. Je peux être vieille, mais mon cinéma est jeune. Je suis infirme, mais mon cinéma n’est pas infirme ! »

Bande-annonce officielle


https://youtu.be/q2V7Sj6l2gE

Portfolio

Équipe

Première assistante opératrice et cadreuse seconde caméra : Lucie Colombié
Assistant opérateur : Ugo Villion
Chef électricien : Nicolas Dixmier
Chef machiniste : Jonathan Ly

Technique

Matériel caméra : Transpacam (Arri Alexa Mini, zooms Angénieux Optimo 28-76 mm et 45-120 mm ; série Arri/Zeiss Ultra Prime)
Matériels lumière et machinerie : Transpalux, Transpagrip
Laboratoire : M141
Étalonnage : Christophe Bousquet

synopsis

Anne, brillante avocate, défend les mineurs victimes d’abus et les adolescents en difficulté. Son mari Pierre, leurs deux filles et elle vivent en parfaite harmonie dans une belle villa sur les hauteurs de Paris. Lorsque Théo, fils de Pierre né d’un précédent mariage, emménage avec eux, l’équilibre de la famille se retrouve chamboulé par l’irruption de cet adolescent rebelle et contestataire.