"Tabac & Cinéma, Histoire d’un mythe" d’Adrien Gombeaud

par Jean-Claude Raspiengeas

La Lettre AFC n°177

La Croix, 24 mai 2008

S’est-on assez avisé, à la naissance du cinéma, que l’arrivée du train en gare de La Ciotat traînait une immense écharpe de fumée qui se déliait ?
C’est à un critique de la revue Positif et au journaliste des Echos, Adrien Gombeaud, que l’on doit cette judicieuse notation, point de départ de sa réflexion sur Tabac & Cinéma, Histoire d’un mythe.

Depuis ce choc inaugural, le septième art ne s’est jamais privé de ces accessoires qui nimbent ses images d’une aura mystérieuse et assurent un pouvoir de séduction aux héros de nos rêves sur grand écran. […]
Que serait Julien Carette sans sa cibiche maïs, accrochée à ses lèvres : « Aucun visage du cinéma français n’est autant associé au tabac que le sien. Il semble que sa tête ait été dessinée autour d’un mégot. » Il en mourra.

Adrien Gombeaud prête à la fascination qu’exerce la cigarette sur l’esprit des spectateurs une vertu métaphysique : « Elle résume le film qui se consume : un début qui s’embrase, un milieu et une fin. »
A l’écran, le tabac joue de multiples rôles. Il comble le vide, crée une attente, suspend l’action, révèle l’appartenance sociale : « Il dévoile la fierté du prolo, l’arrogance du bourgeois, la fausse distinction de l’arriviste. » Eric von Stroheim se sert de sa cigarette comme d’un « ornement impérial ». La clope assure la prestance de l’homme de l’Ouest. La nicotine voile d’une brume opaque les brasseries de Claude Sautet ? […] Dans le film noir, le briquet agit sur la pellicule comme la bougie dans les tableaux de Georges de La Tour. […]
Le cinéma a figé pour l’éternité l’image tremblée de deux visages qui se penchent l’un vers l’autre, s’observant à la dérobée, réunis par un baiser de lumière qui les éclaire et allume le feu désiré.
(Jean-Claude Raspiengeas, La Croix, 24 mai 2008)

  • Tabac & Cinéma, Histoire d’un mythe d’Adrien Gombeaud, Scope éditions