24e édition du festival "Le cinéma retrouvé"

par Ronald Boullet

La Lettre AFC n°201

Comme chaque année au début de l’été, la ville de Bologne (Italie) redevient huit jours durant, et autant de nuits, le paradis des cinéphiles en projetant sur quatre écrans les derniers trésors des films " retrouvés " et restaurés. C’est l’occasion unique pour le millier de participants accrédités – et un large public – de découvertes et de rencontres autour de la projection de plus de 300 films.
Ronald Boullet, directeur des restaurations numériques aux Laboratoires Eclair, qui a accompagné sur place une version restaurée de plusieurs films de Pierre Etaix, nous livre un compte rendu éclairé.

Cette 24e édition du festival " Il Cinema Ritrovato " s’est déroulée cette année du 26 juin au 3 juillet dernier sous les arcades de Bologne la rouge, référence à ses couleurs politiques ainsi qu’à ses " mattoni ", la brique locale. Malgré la chaleur écrasante, il était proposé un éventail varié de films retrouvés, restaurés ou tout simplement peu diffusés. Du cinéma muet (dont un film Eclair centenaire !), aux " blockbusters " américains des années 1960 ou 70, le choix était large.
Pour la première année, ce fief de l’argentique s’est ouvert à la projection numérique.
Ainsi, certains films de Pierre Etaix que j’accompagnais, le Boudu sauvé des eaux de Renoir, ou encore une sélection de films Lumière ont été projetés en Jpeg 2000 sur la Piazza Maggiore.

Projection sur la Piazza Maggiore - Photo Lorenzo Burlando
Projection sur la Piazza Maggiore
Photo Lorenzo Burlando


Nicole Calfan et Pierre Etaix - Dans <i>Le Grand amour</i>, photographié par Jean Boffety<br class='manualbr' />Photogramme extrait de la copie restaurée
Nicole Calfan et Pierre Etaix
Dans Le Grand amour, photographié par Jean Boffety
Photogramme extrait de la copie restaurée


A ce propos, l’image des films Lumière nous est apparue comme étrangement stable alors que ces films sont par essence instables à la prise de vues. L’explication en est simple : certains fabricants de scanners, voyant la manne des numérisations en masse se profiler, proposent maintenant des modes d’entrainements souples qui permettent de numériser des matériels anciens, fragiles ou avec du retrait. Les instabilités du scan doivent ensuite être compensées en postproduction.
Lors de cette opération, il convient, pour des raisons éthiques évidentes, de faire la différence entre l’instabilité due au mode d’entrainement et l’instabilité éventuellement photographiée sur l’original.
Cette distinction n’a pas été faite sur ce projet, donnant à cette séance un aspect un peu glacial.

Boudu sauvé des eaux fut précédé d’une allocution magistrale de Jean Douchet, éternel amoureux de la vie et donc de Renoir. L’intérêt de cette version en était une séquence censurée où Boudu crache dans un livre avant de le remettre en place.
Pour continuer, nous avons eu le plaisir de revoir une copie neuve de Singing in the Rain en plein air par un soir de canicule, tout ceci précédé d’un court métrage hautement chorégraphique de Pierre Etaix. Le lendemain, j’assistai à la projection d’un Clouzot invisible, Retour à la vie, regroupant aussi bien Reggiani, Blier, Jouvet, Périer, Noël Noël..., ou bien encore un John Ford muet, Just Pals, où le shérif montre son insigne à la messe, afin d’être dispensé de l’aumône...

Comme chaque année, une sélection de films centenaires (1910) avait été regroupée par Mariann Lewinsky sous le thème des femmes aventurières.
Autre rendez-vous, la FIAF Summer School, organisée par le laboratoire " L’imagine ritrovata ", était une réussite, avec son éventail de conférences et d’intervenants variés.
Il y a deux ans, les allées de la cinémathèque étaient traversées d’une rumeur selon laquelle une copie positive 16 mm de Metropolis comportant des fragments inconnus avait été retrouvée en Argentine. Ce même film était donc de nouveau à l’honneur, avec 25 mn supplémentaires mettant bien en évidence la richesse du montage d’origine et le coté cyclique et assommant des machines.

Un bonheur ne venant jamais seul, c’est en Nouvelle-Zélande qu’auraient cette année été retrouvées 75 bobines de films que l’on croyait, pour certains, définitivement perdus tels Upstream de John Ford, qui est actuellement en cours de restauration afin d’être projeté en septembre à Los Angeles, ou A Thief Catcher de Chaplin, qui viendra probablement compléter l’ensemble de son œuvre déjà conservée à la Cinémathèque de Bologne.
Ce dernier sera peut-être présenté l’année prochaine, mais chut, laissons aux restaurateurs le temps de travailler au mieux...