Entretien avec Dariusz Wolski, ASC, à propos de zooms Angénieux
Jon Fauer : Parlez-nous de votre travail actuel, The Martian.
Darius Wolski : C’est un film réalisé par Ridley Scott. Nous en parlons comme d’un Robinson Crusoë sur Mars. C’est l’histoire d’un astronaute qui échoue sur la planète rouge et qui lutte pour survivre. Jessica Chastain, Kate Mara, Kristen Wiig et Matt Damon sont les principaux comédiens. Ce n’est pas un film de science-fiction. C’est une histoire réaliste où tout ce que fait l’astronaute est envisageable.
Nous travaillons avec des consultants de la NASA qui nous orientent : « Vous ne pouvez pas faire ceci, vous pouvez faire cela. » Notre personnage fait pousser des pommes de terre sur Mars, des tentatives pour le rescaper ont lieu…
Et vous filmez en 3D, n’est-ce pas ?
DW : Oui, c’est exact.
Et quel matériel utilisez-vous ?
DW : Nous utilisons du matériel loué chez Panavision et 3ality. Depuis mes débuts en 3D, j’utilise des caméras RED pour leur petite taille. Sur ce film, nous utilisons des caméras RED Dragon. Nos optiques sont des zooms Angénieux Optimo compacts, ce qui évite de devoir changer d’objectif pour modifier la focale. Le plus gros inconvénient de la 3D est le changement d’objectif, car cela prend des heures.
Notre système de tournage se compose de plusieurs caméras. Nous disposons de quatre rigs. Sur le film Exodus, nous avions cinq rigs mais sur ce film, nous avons deux grands rigs et deux petits rigs. Les zooms Angénieux Optimo nous sont très précieux sur ce tournage. Ils sont vraiment la meilleure chose qui pouvait nous tomber du ciel. Nous avons des zooms Optimo 15-40 mm T2.6 pour les grands rigs et des Optimo 28-76 mm T2.6 pour les petits rigs.
Avec toute cette plage de focales, nous n’avons pas besoin de changer d’optiques, ce qui est simplement génial. Lorsque nous mettons en place le plan, nous réglons très rapidement les focales.
Sur Exodus, nous avions des focales un peu plus longues car nous devions filmer des paysages. Nous avions donc un cinquième rig avec deux zooms Angénieux Optimo 45-120 mm T2.8. Au départ, j’avais peur d’utiliser des focales plus longues, mais les zooms se sont avérés très utiles pour filmer les paysages.
Les optiques étaient-elles en monture PL ou PV ?
DW : Il ne devrait exister qu’une seule monture pour toutes les caméras.
Ce serait réellement extraordinaire.
DW : Et une seule prise électrique, comme celle du chargeur de votre MacBook.
Hum ! Cela arrivera lorsqu’il n’y aura qu’un seul type de fichier RAW pour toutes les caméras.
DW : Hélas, cela n’arrivera jamais.
Mais revenons à nos optiques. Sur les films traditionnels, qui ne sont pas en 3D, et en particulier, sur les tournages en numérique, vous servez-vous plus des zooms que des objectifs fixes ?
DW : Pas que dans l’univers numérique. L’utilisation des zooms rend les choses plus simples. Même pour le film, j’utilise tout le temps les zooms Optimo compacts. Pourquoi se priver d’un zoom qui est aussi compact, voir plus compact que beaucoup d’objectifs fixes ?
Certaines personnes aiment s’entourer de beaucoup de matériel, souvent lourd et encombrant, mais pour moi, cela n’est pas nécessaire. Et il n’y a rien à redire sur la qualité des Optimo. Ils sont simplement merveilleux.
Bien sûr, vous pouvez toujours dire que telle optique fixe a vraiment fait la différence, qu’elle vous a donné le rendu recherché, mais vous savez, de nos jours, tout est bien trop défini. Le négatif est trop défini, les images numériques sont trop définies, et ainsi de suite. Si vous ne malmenez pas les zooms, ils sont vraiment extraordinaires.
C’est surprenant de voir que les zooms ne sont pas plus utilisés comme une " série de base ".
DW : Ils sont en réalité victimes d’une stigmatisation qui remonte aux années 1970, lorsque les premiers zooms sont arrivés. Nombreux zooms souffraient de pompage, manquaient de définition, n’étaient pas très rapides et si vous changiez de focale, vous pouviez perdre la mise au point. Ils posaient pas mal de soucis.
Ce sont des instruments optiques très complexes. En réalité, deux à priori ressortaient : le premier, purement technique, se résume à une image de moins bonne qualité. Et le deuxième, plus artistique, fait référence à la possibilité de zoomer et de dézoomer et qui rapproche le cinéma au monde télévisuel.
Parmi les grands films de l’histoire du cinéma, nombreux ont été tournés avec des zooms. Billy Fraker et Vilmos Zsigmond ont utilisé des zooms dans les années 1970.
Récemment, nous discutions avec Vilmos Zsigmond, ASC, au sujet de l’utilisation des zooms sur le film John McCabe (1971).
DW : Bien sûr ! Et puis, il y a cette idée reçue qui dit qu’il ne faudrait pas les utiliser. Mais vous pouvez voir ça de deux manières. Vous pouvez, par exemple, être sur le toit d’un bâtiment et devoir filmer une voiture en contrebas, et vous pouvez ensuite dézoomer pour faire un plan large, tel que Billy Friedkin l’a fait dans French Connection et dans bien d’autres films.
Vous pouvez l’assumer et rendre le zoom très visible. Ou vous pouvez le faire très délicatement. Lorsque l’on regarde un film, la plupart d’entre nous est incapable de savoir si un zoom a été utilisé ou pas. L’utilisation des zooms est devenue une manière classique de raconter une histoire.
Utilisez-vous actuellement les zooms comme une série de base ?
DW : Oui, pour moi, c’est comme une série variable d’objectifs fixes. Vous pouvez réaliser un léger zoom pendant la prise de manière à modifier le cadre, en resserrant ou en élargissant légèrement le plan. C’est payant, même en 3D.
Vous rappelez-vous la première fois que vous avez utilisé un zoom Angénieux ?
DW : La première fois doit remonter à l’époque où j’étais assistant caméra, dans les années 1980. Je me souviens encore lorsque je les blimpais avec toutes ces petites bandelettes et engrenages.
À cette époque, bien sûr, l’utilisation des objectifs fixes était un réel avantage : ils étaient plus définis, plus rapides et plus légers. Mais dans certaines situations, comme lorsque vous êtes en extérieur, les zooms devenaient indispensables.
Qu’en est-il de la correspondance entre les deux objectifs sur vos rigs 3D ?
DW : Cela demande, certes, un petit peu de travail. Je ne le réalise pas personnellement, mais nous avons une équipe formidable. Nous avons préparé le matériel chez Panavision à Los Angeles. Et ici, Panavison Budapest nous apporte tout son concours.
La raison pour laquelle je travaille avec Panavision est leur vaste réseau, avec leur excellent service, que j’apprécie énormément. Lorsqu’il s’agit de tourner des films partout dans le monde, je trouve que Panavision dispose du meilleur réseau de service au monde. Ils feraient tout pour nous satisfaire. Que vous tourniez en Angleterre, à Budapest, en l’Australie, ou n’importe où, vos interlocuteurs ne changent pas.
D’autres sociétés de location peuvent acheter un tas de caméras. Mais peuvent-ils vraiment les livrer ? Vous pouvez acheter dix caméras et être une société de location, mais pouvez-vous accompagner vraiment un grand film avec de nombreuses modifications de matériel et demandes supplémentaires ? C’est pour cette raison que, pour moi, Panavision reste la meilleure société de location au monde.
Voyez-vous un intérêt grandissant pour la 3D ? Quelle sera, pour vous, sa prochaine étape ?
DW : Je pense que la 3D va s’estomper. J’ai d’abord dû apprendre à la gérer, mais j’adore ça. Ridley Scott aime la 3D car qu’il aime tourner des films épiques. Je crois que ce que nous faisons en 3D est assez homogène et de qualité. Et vous pouvez montrer le même film tant en 2D qu’en 3D. Parfois, je me demande quels sont ses réels avantages.
Tournez-vous ce film en 6K ?
DW : Non, nous tournons en 5K. Et les zooms Angénieux couvrent toute la superficie de l’image.
Pour vous, quelle serait la différence entre le numérique et l’argentique ?
DW : Nous assistons, ces derniers temps, à une réaction vis-à-vis du numérique. On entend des choses telles que : « Le numérique n’est pas noble. Pour être noble, il faut tourner en pellicule. »
J’ai tourné de nombreux films en pellicule et je ne suis pas nouveau dans le métier. J’adore la pellicule. Mais tout le monde est en train d’oublier les mauvais bains du lundi matin. Et il y avait d’autres surprises bien pires encore.
Est-ce que cela s’est produit à la caméra ? Est-ce le laboratoire ? Ou est-ce la faute de Kodak ? Quel était le bain périmé ? On oublie ces choses-là. Souvenez-vous des rushes tout verts. Que s’est-il passé ?
Et c’est le chef opérateur qui est renvoyé en premier. Puis, on apprend que c’est quelqu’un qui s’est endormi au labo.
Sans mentionner le coup de fil du laboratoire à 3 heures du matin.
DW : Oui, ou se lever très tôt le matin pour se rendre au labo. Malheureusement, nous voyons disparaître des compétences et des personnes qui savent comment gérer un laboratoire. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus devenir technicien de laboratoire. Ils travaillent tous devant leur ordinateur et ils filment avec des GoPro. Qui veut devenir ce technicien qui veille toute la nuit pour assurer la température des bains ?
Ne me lancez pas sur ce débat entre la pellicule et le numérique. J’adore ces puristes qui tournent en pellicule et qui font tellement d’intermédiaires numériques que l’on ne voit plus le grain du film. Donnez-moi juste trois lumières de tirage comme à la belle époque. Là, nous parlons vraiment de pellicule. Tout cela n’est que de la nostalgie.
Dans quel format sera distribué The Martian ?
DW : En Scope 2,35:1.
Et cadrez-vous pour ce format-là ou vous laissez-vous une marge de manœuvre pour les effets visuels ?
DW : Non. Nous cadrons nos images avec beaucoup de soin. Ridley Scott est très précis dans ses compositions. C’est un réalisateur très visuel.
Voulez-vous ajouter quelque chose par rapport aux objectifs Angénieux ?
DW : Ce sont vraiment des objectifs fantastiques et très modernes. Leurs zooms compacts sont vraiment révolutionnaires. Si vous devez tourner un film à budget limité, vous pouvez tourner avec une seule caméra et ces deux zooms.
Vous pouvez vraiment tourner tout le film avec ces deux optiques-là. Vous pouvez faire de la caméra à l’épaule, et vous en servir comme une série d’objectifs fixes. Ils sont très pratiques. C’est grâce à eux que nous pouvons réaliser nos films en 3D.
Nous tournons tout le film avec ces deux objectifs-là. Vous n’avez besoin de rien d’autre. À moins d’avoir des plans à effet, qui exigent une focale très longue ou très courte. Je crois que si vous posez la question à tous les réalisateurs expérimentés, ils vous diront la même chose.
Il n’y a pas de mystère. Certains réalisateurs voudront se rapprocher un peu plus, d’autres voudront des plans plus larges, mais in fine, ce qui compte c’est comment raconter votre histoire. Et ces deux zooms Angénieux vous offrent toute la gamme de focales dont vous avez besoin.
(Propos recueillis par Jon Fauer, ASC, et traduits de l’anglais par Pierre Souchar)