Les mesures européennes d’aide à l’audiovisuel sont légales

par Isabelle Pingel-Lenuzza

La Lettre AFC n°111

Juridiquement, l’exception culturelle n’existe pas. En droit, une exception se définit comme une dérogation à l’application de la règle à laquelle, par conséquent, elle s’oppose. Il n’est pas, en matière audiovisuelle, d’exception à la règle, au sens strict du terme. En effet, les services audiovisuels sont couverts par l’Accord général sur le commerce des services de 1994, négocié sous les auspices du GATT, et non exclus, par exception, de l’application de cet accord ou soumis à un régime qui y dérogerait expressément.

Toutefois, et telle est la raison de l’ambiguïté qui persiste en ce domaine, les membres de l’Union européenne, comme la plupart de ceux qui appartiennent à l’Organisation mondiale du commerce (OMC, qui a succédé au GATT), n’ont souscrit aucun engagement de libéralisation en matière audiovisuelle, se limitant pour l’essentiel à assurer la transparence, c’est-à-dire à informer les autres parties des mesures qu’ils adoptent. Il en résulte que, sans être en contravention avec les dispositions en vigueur, l’Union européenne dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour développer des mesures en faveur de l’industrie des programmes.

Ces mesures pourraient, dans l’avenir, être jugées contraires aux règles du commerce mondial, si les négociations qui se poursuivent au sein de l’OMC devaient aboutir à assimiler les œuvres cinématographiques et la diffusion télévisuelle à un simple service, soumis aux règles de base en vigueur pour les marchandises (libre circulation, respect intégral de la clause de la nation la plus favorisée). Mais, à défaut d’accord en ce sens, les mesures de la Communauté restent licites. Reste cependant la question de leur efficacité.
(Isabelle Pingel-Lenuzza, professeur de droit à l’université Paris-Saint-Maur, Le Monde, 21 mai 2002)