Parution d’"Éclats de pourpre et autres histoires pas ordinaires", de Martial Barrault
Issue du réel ou totalement imaginaire, une histoire commence souvent par une petite graine qu’on plante. Là, c’est un couple en errance, un autre en retard, ici, un jeune homme en avance, là-bas, une infirmière en pétard, mais il faut bien avouer qu’à ce stade, sans les circonstances, les graines sont encore loin de germer.
Alors, on les développe, on en précise le contexte, on leur greffe une quête, et soudain, c’est un fils qui fait naître son père, un jeu de miroirs où les couples se déforment, une gloire vertigineuse dont la chute est sans fin, une empoignade amoureuse entre deux pantins, ou même une vengeance aseptisée dont on a pris grand soin.
Le traitement d’une histoire est à chaque fois le même et chacune, à son tour, prend vite l’allure d’un de ces grands arbres que sont les romans, sauf qu’il ne faut pas s’y tromper, quand on écrit des nouvelles, le chemin est différent. On n’engraisse pas, on taille, car ce qu’on cherche à faire, ce n’est pas un arbre, c’est un bonzaï.
« Mon nouveau livre, Éclats de pourpre et autres histoires pas ordinaires, vient de sortir sous les presses de L’Harmattan. Il réunit une douzaine de nouvelles insolites toutes glanées sur le bord du chemin, en marge des récits et des univers auxquels je participe. Merci de lui accorder votre meilleur accueil et, si la curiosité vous venait de le découvrir, de le commenter ou de le recommander, j’en serais vraiment ravi. » Martial Barrault
Quelques extraits...
« Au loin, le jour s’effrange dans les lueurs d’un ciel comateux. La ville sombre lentement dans les reflets d’un clair-obscur qui glisse à contre-courant. [...] Dans les lumières du soir, le port est féérique. De grandes silhouettes noires qu’on prendrait pour des grues scintillent dans les ultimes flamboiements du couchant. À l’est, la nuit entière s’anime de lueurs magiques. C’est bien ce style de niaiseries qu’on se dit, confortablement assis, la FM à fond, dans sa berline métallisée. Mais pas quand on court comme lui, frigorifié, entre les phares aveuglants et le clignotement névrotique des signalisations routières. » ("La baie des anges", p107)
« Il se laisse à nouveau dériver dans le sombre ressac d’un sommeil abyssal prêt à l’engloutir. À travers les limbes luminescents qui l’entourent, une image se réactive sans cesse, en échos syncopés. C’est celle d’un bassin et de pêcheurs braillards qui encombrent la chaussée. » ("Éclats de pourpre", p144)
« Il est soudain frappé par la luminosité de la nuit. C’est comme si le port restituait d’un coup, toute la lumière accumulée pendant la journée. Au loin, au-delà de la jetée, il reconnaît le phare qui rayonne sur la baie égéenne et son faisceau qui se perd sous un rideau d’étoiles. [...] Les étoiles justement... là, elles s’animent, elles dansent, elles ondulent. Il voudrait se détacher de leur sortilège, mais ne parvient pas à lui résister. Les constellations vibrent, tremblent, puis disparaissent au passage des silhouettes massives de ces géants sombres qui vont, l’un après l’autre, s’asseoir au-delà du phare. » ("Éclats de pourpre", p145)
« Kalipso, c’est aussi cette enseigne qui clignote sur le toit et inonde de rouge les ombres de la terrasse, et celles de la chambre aussi, quand, enfin seuls, ils se sont jetés, ivres de joie, sur le taffetas doré du couvre-lit. [...] Il atteint la chambre dont il renonce à activer l’interrupteur, préférant le secours du chambranle pour s’y adosser. L’enseigne irrigue toujours les lieux de son onde cadencée. Sur la commode face au lit, une boite de carton est posée. » ("Éclats de pourpre", p147)
« La bouteille devant lui est remplie d’une eau claire. Elle brille, magnifiquement limpide. Ainsi éclairée par le rayon de soleil qui traverse la pièce, elle devient le centre d’un tableau imaginaire. [...] À côté de la bouteille, tout près, et sans pour autant la toucher, trois pièces d’un euro étincèlent sur le bois patiné, une de cinquante centimes gît tout à côté, presque oubliée, si n’était, sur sa tranche, ce petit foyer iridescent que le soleil fait vibrer. » ("L’étoile du berger", p185)
« Le soir est là, magnifiquement éclairé. Dans les ultimes lueurs du jour, il disperse sur les champs de jolies touches dorées qui s’agrippent au sommet des hautes herbes. Les lointains, doucement refroidis, se perdent déjà dans les bleus de la nuit. Et, tout au-dessus des silhouettes majestueuses des grands peupliers du bief, brille l’étoile du berger. » ("L’étoile du berger", p189)
« Elle retrouve cette lumière étrange qui l’angoisse et qu’elle a surnommée "les petits dimanches". Comme si le jour avait commencé, depuis l’aube, une lente agonie, un long chapelet d’heures passées à contempler, toute seule, le rejet des cheneaux. À entendre les gouttes marteler le sol comme un essaim de larmes ravalées en cadence. [...] Elle a horreur de cette lumière-là, c’est plus fort qu’elle, elle ne la supporte pas. Elle referme la fenêtre et allume le plafonnier pour ne plus la voir. Soudain ébloui, il cligne des yeux et baisse son regard sur ses mains jointes devant lui. » ("Ghislaine Mohair", p207)
D’après ses professeurs, aucune filière ne correspondait à ses attentes. Malgré tout, Martial Barrault est devenu directeur de la photographie, peintre et concepteur lumière. A travers de très nombreux voyages et les univers les plus variés, il poursuit toujours, à l’exemple de ce recueil, sa quête incessante d’images nouvelles. L’Harmattan
Éclats de pourpre et autres histoires pas ordinaires, de Martial Barrault
Collection : Nouvelles nouvelles
Editions L’Harmattan
Broché – 220 pages
Date de publication : 14 mars 2024