Ma mère

Premier travail avec Christophe, que je ne connaissais " ni d’Ève, ni d’Adam " auparavant.

Lors de notre première rencontre, il m’a expliqué qu’il souhaitait faire un film techniquement " léger ", sans contrainte, avec un effacement " quasi total " de la technicité lors de scènes plus difficiles et plus intimes à effectuer pour les acteurs.

En même temps, Christophe a un sens pictural très affirmé, alors le " n’importe quoi " ne lui correspond pas tout à fait. Avec Isabelle (Huppert) soucieuse de son image, interprétant le rôle de la mère, qui, dans le livre de Bataille, tourne autour de la quarantaine, à la beauté ambivalente.
Donc, je vais passer quelques détails, quant à la difficulté de la fabrication d’un point de vue de l’éclairage.

Les îles des Canaries étant un pays très lumineux, le décor principal avec des murs ultra-blancs, les intérieurs jours et extérieurs jours ne pouvaient être que " baignés par la lumière ". Donc aucun détail des personnages ne pouvait être dissimulé dans les scènes de jour. Tout était " vu ". En cours de tournage, par crainte d’une image trop lisse pour ce film, Christophe a radicalement souhaité une image totalement sombre et énigmatique pour les nuits où les corps et les visages pourraient se détacher du noir et auraient donc une part - à priori - plus mystérieuse en eux.

Son choix de Super 16 étant ancré dans son imaginaire avant même notre première rencontre, il souhaitait utiliser complètement les caractéristiques de ce support, c’est-à-dire donner l’impression de " l’avoir étiré ", comme en sous-exposant une photographie. Tout en gardant un éclairage frontal et adouci pour Isabelle.
C’est donc devenu la valse au développement : grain fin pour la 7246 qui était trop dure en extérieur avec soleil sur des murs blancs, de la 7218 en développement grain fin en intérieur jour pour la lier à la 7246, puis de la 7218 poussée d’1/2 diaph pour les volontés d’étirement du support (tant mieux, sur fond noir, c’est mieux) et de la 7218 développement grain fin, même en nuit, pour avoir quand même l’impression sur certaines scènes d’adoucir un peu le contraste, pour les visages, quand les fonds noirs étaient vraiment trop noirs, et quand je commençais à douter du parti pris de l’éclairage.

Bref, heureusement que Gémini avait un accord au préalable avec GTC, pour ne pas trop regarder le surcoût en développement spécial.

Et... je dois le dire... même si cela me gêne de m’exprimer ainsi... merci à Kodak pour la 7218, qui encaisse vraiment bien, surtout sur la poussée +1/2 diaph et particulièrement sur deux plans poussés +1 diaph.

Et voilà, au résultat, des défauts quand même, mais c’est pas grave, le super 16 mm a encore de l’avenir devant lui.

Avec quelques filtres diffuseurs peut-être à peine trop forts sur certains gros plans... et là, la définition, ça s’écroule, mais tant pis.

Et merci à Isabelle H. qui m’a fait confiance sur le moment. Ainsi qu’à Christophe bien évidemment. Et tous les autres acteurs, et à mon assistant, Jean-François qui a dû se coltiner tous mes doutes quant à la couleur des chattertons qui entouraient les boîtes.

Coproduction : Gemini Films, Madaragoa Filmes.

Technique

Pellicules : Kodak 7218 et 7246
Caméras : Arri SRIII Super 16 mm
Objectifs : série Zeiss Distagon, Zeiss G.O. et zoom Cooke 10,4-52 mm
Laboratoire : GTC, étalonneur Jean-Marc Gréjois