Pour Vilmos, le plus longtemps possible en vie dans les mémoires !

Par Pierre Filmon, réalisateur

La Lettre AFC n°264

Close Encounters with VIlmos Zsigmond, le film documentaire qui trace un portrait vivant du directeur de la photographie, est programmé au 69e Festival de Cannes dans la section Cannes Classics. Pierre Filmon, son réalisateur, évoque dans le texte suivant sa rencontre avec les opérateurs qui l’ont aidé dans cette aventure.

Au moment où je me suis lancé dans l’aventure de Close Encounters with VIlmos Zsigmond, le jour où, en janvier 2014, Vilmos m’a annoncé au téléphone qu’il allait recevoir le Prix Angénieux (grâce à Pierre-William Glenn, AFC) au Festival de Cannes la même année, je me suis tout de suite lancé un défi, celui d’avoir la plus belle image possible pour célébrer ce maître de l’image – le moindre des respects à avoir. Il me fallait des opérateurs, des directeurs de la photographie, des « cinematographers » comme préfère vous appeler Vittorio Storaro, AIC ASC, parmi les meilleurs possibles devant ET DERRIERE la caméra. Je ne devais écouter ni ceux qui disaient que puisqu’il n’y avait pas d’argent pour ce film, je n’avais qu’à prendre une mini-DV et que ça irait très bien comme ça. Deux opérateurs par interview ? Une prise de son à la perche ? Une hérésie… Ni ceux qui me disaient : « Vilmôche quoi, qui ? Jamais entendu parler ! ».

Ma chance a été que dès que je rencontrais une grande dame ou un grand monsieur de votre corporation ou d’une corporation cousine, de l’autre côté des Alpes (l’AIC), de la Manche (la BSC) ou de l’Atlantique (l’ASC), c’était une évidence pour tous. Vous étiez prêt(e)s à vous lancer dans l’aventure avec moi, immédiatement. Oui, je dois beaucoup à celles et ceux qui sont derrière les caméras de mon documentaire.
Je revois Marie Spencer, AFC, esquissant un sourire encourageant (le premier) au café près de La fémis, avant d’apporter du matériel « qu’un copain m’a prêté » et de s’ingénier avec peu de sources à valoriser les interviews dans le sens de l’intimité. J’ai toujours voulu que le spectateur de Close Encounters… se sente en conversation directe avec Vilmos, sans filtre et sans intermédiaire.

Je revois Olivier Chambon, AFC (qui de fil en aiguille aura filmé rien moins que l’interview de John Boorman, de Jerry Schatzberg, d’Ivan Passer et le voyage en Hongrie), venu en simple spectateur d’une soirée filmée avec Vilmos au Grand Action, venant me saluer à la fin de la projection et me demandant s’il pouvait faire quelque chose pour moi, anxieux. « Oui ! Pour la conversation de demain que filme Marie, il me manque des cartes mémoires pour deux caméras et c’est l’unique moment que Darius Khondji, AFC, ASC, peut nous consacrer en discussion avec Vilmos avant de partir six mois en Amérique du Nord tourner avec Wes Anderson et Woody Allen ! ». Imaginez un peu notre émotion, avoir devant les caméras le directeur de la photographie de John McCabe et le directeur de la photographie de The Immigrant, le second inspiré directement par la lumière du premier… Olivier me dit : « Je dois rendre ces cartes mémoires vendredi… Tiens, je les rendrai lundi. » Quand il n’y a pas d’argent, il n’y en pas. Il faut compter sur les miracles.

James Chressanthis, ASC, est une autre rencontre miraculeuse. Quand j’ai dit à Vilmos : « Je fais un documentaire sur toi » et qu’il m’a répondu : « D’accord ! », il m’a aussi tout de suite dit : « As-tu vu No Subtitles Necessary, le film que James a fait sur Laszlo Kovacs et moi, présenté à Cannes Classic en 2008 ? » J’ai dit non et j’ai filé sur un site pour l’acheter en DVD… Après l’avoir vu, je me suis dit que j’avais peut-être mis la barre un peu trop haut et qu’il n’était plus possible de faire un film sur Vilmos. Seulement, je ne pouvais pas… ne pas faire ce film !
Le cinéma de Vilmos m’a ébloui comme cinéphile et m’a marqué à jamais. L’homme a changé ma vie… Alors je me suis lancé. Mais qu’est-ce que j’avais à raconter de plus que James ?... Quand, des mois plus tard, j’ai eu le billet d’avion pour Los Angeles et qu’il a fallu trouver qui allait filmer les interviews sur place en Californie, j’ai demandé à Vilmos s’il avait une idée pour me seconder dans l’aventure… : « James ! ». Moi : « James, qui a déjà fait un film sur toi ? Il ne voudra jamais ! » Cinq minutes plus tard, Vilmos me rappelle : « Je viens de lui parler, il est libre à ces dates. Tu l’appelles ? ». Je l’ai appelé. Il a dit : « On ne refuse pas ce que Vilmos vous demande… » Et le défi est devenu encore plus intimidant. Faire un film sur Vilmos avec celui qui en avait déjà fait un en tant que réalisateur.
Merci James. Tu ne m’as jamais pris de haut, toi non plus. Tu m’as accueilli comme tous tes collègues derrière la caméra (Ciao caro Luca Coassin, AIC) et devant la caméra (Darius, Bruno, Pierre-William, Dante, Vittorio, Yuri, Fred, Stephen, Caleb et Haskell – tant d’histoires à raconter encore !).
Je n’étais pas du sérail et vous m’avez accueilli. Pour Vilmos.

Merci à La fémis et à l’Ecole Louis-Lumière. Merci Pierre Andurand. Merci Cloé, Giulio, Piermarco, Diego, Zoltan, Greg, Payam, Sepehr, Clément, Pasqualino, Athalia, Zach, Maeva, Stéphane, Mathieu, Charles, Leonardo, Julien, Nicolo’, Nathan, et Mathilde à l’étalonnage !
Merci Yves de ton amitié au long de ces années. Merci Bertrand, Martin et Caroline.

Que Vilmos vive le plus longtemps possible dans les mémoires. Il est une inspiration pour tous.

(Paris, avril 2016)