Témoignage de Pascal Rabaud, directeur de la photo

La Lettre AFC n°121

Jeune il avait voulu être potier, cela lui ressemblait, il devait modeler de ses mains tout ce qu’il entreprenait. Que ce soit Fuji, Kodak, Ilford, Orwo, toutes les pellicules devraient être devinettes à sa façon : surdéveloppement, sous-développement, négatif sans blanchiment, temps de développement furieusement allongé (terme employé par un technicien de Labo), etc. Il devait la malaxer pour la plier à la vision de sa création artistique.

Il était cinéma, passionné de photo, il y a deux ans, il avait acheté un grand format à l’ancienne pour plus tard, m’avait-il dit... Race des découvreurs du siècle dernier, il avait rencontré en Leos Carax une âme sœur, ensemble ils tentaient de faire revivre le cinéma muet, le moment du cinéma ou chaque plan apportait une nouvelle technique au service de l’imaginaire.

Rien n’était compliqué avec Jean-Yves, mais tout devait être nouveau, conçu dans une nuit de rêve ou à partir d’une rencontre de voyage. Revenant d’Inde, il avait photographié une centaine de polas de nuages ; quelque temps après, pour un film de Paul Schrader, il en avait fabriqué en hélium pour éclairer des nuits magiques. Parti trop tôt dans un autre monde, sûr qu’à Saint-Pierre il proposera une nouvelle façon d’éclairer le paradis ou, par curiosité, il ira mesurer le diaph de l’enfer.

La dernière fois que nous nous sommes vus, il m’avait longtemps parlé d’un film tourné à Séville avec des gitans. Il voyait en eux ses frères, exilé sur terre sans attache, mais avec des compagnons magiques pour des nuits mirifiques.

Ciao Bello, Ciao ami.