Camerimage 2023

Dans la chaleur de Camerimage

Par Sarah Ackerer, étudiante en Image à La Fémis


À l’occasion du 31e Camerimage, l’AFC a proposé aux étudiantes et étudiants du département Image de La Fémis présents à Toruń de contribuer d’une manière ou d’une autre aux articles publiés sur le site. Sarah Ackerer, étudiante de la promotion 2024, nous fait partager ses impressions de festivalière.

De Toruń, malgré le froid et la grisaille, je garderai une image chaleureuse. Chaleur amicale d’un voyage avec mes amis et amies d’Image de La Fémis, chaleur appétissante du restaurant "La Nonna siciliana", chaleur cinéphilique des salles où nous avons passé le plus clair (-obscur) de notre temps. Sur les écrans, c’est aussi cette chaleur qui a retenu mon attention à travers le travail de la couleur.
Dans A Man’s Man, de Myles Desenberg, photographié par Ben Cotgrove, l’attention portée aux décors ainsi que l’utilisation de lumières colorées allant du jaune au rouge adoucissent les confessions d’un groupe de parole d’hommes déprimés dans le nord-est de l’Angleterre. Dans Larry, du Hongrois Szilárd Bernáth, photographié par Dávid Hartung, la lutte que mène un jeune aspirant rappeur pour s’émanciper de sa famille et de son milieu social est filmée dans des tons jaunes-orangés auxquels répondent des séquences nocturnes qui explorent des mélanges de teintes froides, notamment de vert et de bleu. Dans ces deux films, j’ai aimé l’usage franc, à la fois créatif et signifiant des couleurs. Les teintes chaudes m’ont semblé contrebalancer la rudesse du monde tandis que la variété des couleurs avec lesquelles sont éclairés les visages dans Larry m’a convaincue qu’un récit à l’ancrage naturaliste n’a pas à être prisonnier de tons neutres, ni de la classique balance chaud-froid.

Images tirées du film "Larry"

J’ai également été frappée, au fil des projections, de la variété des propositions lorsqu’il s’agissait de filmer une relation d’intimité. De Larry, entièrement cadré à l’épaule dans des valeurs qui dépassent rarement le plan poitrine, au film polonais Anxiety, de Slawomir Fabicki, photographié par Bogumil Godfrejow entièrement sur pied, où le dernier voyage en commun de deux sœurs, dont l’une est gravement malade, appelle un élargissement de la valeur de plan à chaque émotion forte, comme une mise à distance, en passant par Monster, le dernier film de Hirokazu Kore-Eda photographié par Ryûto Kondô qui alterne des séquences concentrées sur les personnages à des plans généraux de paysages, chaque film propose un rapport de la caméra au monde, et donc un point de vue. Chaque film fait varier la distance qui sépare et relie du même geste la caméra, et à travers elle le ou la spectatrice, aux personnages.

Il me faut encore évoquer la découverte de classiques comme Le Scaphandre et le papillon ou The Truman Show, l’intelligence lumineuse d’une mère ex-membre d’une secte religieuse syrienne dans Q, de Jude Chehab, la quête de liberté et d’amour d’une jeune photographe dans It’s Only/Not Only a Body..., de Michał Hytroś, la conférence sur l’anamorphique de l’AFC, les courts métrages des Alumni de l’École de Łódź… Camerimage a été une occasion précieuse de voir des films, de m’en inspirer, mais surtout d’en discuter et de questionner ma propre pratique de l’image. Je remercie La Fémis et ses partenaires qui ont rendu possible notre présence à ce festival.