Double nomination à La fémis

par Nicole Vulser

La Lettre AFC n°163

Le Monde, 7 février 2007

En pleine période électorale, une double nomination marquée à gauche à la tête de La fémis, la " grande école " du cinéma français, mérite d’être soulignée.

Le metteur en scène et réalisateur Patrice Chéreau, l’un des premiers artistes à avoir cosigné dès la fin septembre 2006 une tribune engagée en faveur de Ségolène Royal dans Libération, vient d’être nommé président de l’école.

Devenu un établissement public industriel et commercial (EPIC) il y a une dizaine d’années, l’établissement retrouve un système plus classique de gouvernance : un artiste connu pour président, à qui il n’est pas demandé d’être toujours présent dans les locaux. Et un directeur opérationnel, en l’occurrence Marc Nicolas, un proche de Jack Lang et de Catherine Trautmann. Il est renouvelé pour trois ans, dans un poste qu’il occupait depuis 2001.

Depuis deux ans, date du départ en retraite de l’ancien président Alain Auclaire, Marc Nicolas dirigeait en fait tout seul cette école, la présidence étant assurée de façon purement fictive et intérimaire par la présidente du Centre national de la cinématographie.
Contrairement à une légende qui perdure, La fémis (Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son), créée il y a vingt ans, sur les restes de l’Institut des hautes études cinématographiques (Idhec), n’est pas une école de réalisation, mais une école des différents métiers du cinéma (production, scénario, réalisation, image, son, montage, décor et, depuis peu, deux filières plus courtes consacrées au script ainsi qu’à l’exploitation et à la distribution). Le concours d’entrée reste toujours extrêmement sélectif. Avec un budget de 10 millions d’euros par an, l’école dispense une formation en quatre ans à 38 élèves (hors formation continue).

La pédagogie a cela de particulier qu’il s’agit d’une école " sans professeurs ", où interviennent plus de cinq cents professionnels en activité, dans les domaines artistiques mais aussi économiques ou techniques. Après une crise profonde, il y a dix ans, sur fond de soupçons de tricheries aux épreuves d’admissions et critiques sur sa gestion, l’institution s’est pacifiée. L’élitisme arrogant des élèves est aussi un mauvais souvenir.
Installée rue Francœur à Paris, dans les anciens studios Pathé, l’école a renforcé ses liens internationaux avec d’autres universités, comme la National Film and Television School de Londres, Columbia University et récemment avec Harvard aux Etats-Unis. Au cours de leur cursus, les étudiants doivent passer deux mois à l’étranger. Une collaboration avec une école allemande fonctionne déjà dans le domaine de la production européenne. « D’ici une vingtaine d’années, les grandes écoles seront appelées à fusionner », pronostique M. Nicolas.

Il croit aux passerelles entre artistes et professionnels d’une même génération : « Les exploitants de demain doivent connaître le cinéma qu’ils programmeront. » Dans la même veine, il vient de conclure des accords en France, avec l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs - pour créer des affiches de cinéma - ainsi qu’avec le Conservatoire national supérieur de musique, pour explorer conjointement les musiques de films.
(Nicole Vulser, Le Monde, 7 février 2007)