Entretien avec William Lubtchansky

William Lubtchansky : Dès la lecture du scénario, le film me faisait un peu penser à Hitchcock. J’ai travaillé avec cette référence en tête, notamment dans le traitement des paysages de montagne. Dans les plans de la voiture qui descend de Paris à Grenoble, on était à l’arrière, avec un petit HMI sur batterie. Puis on a mis la caméra à l’avant pour tous les plans subjectifs.
On a tourné la séquence de la grande balade nocturne en voiture, avec des passages de tunnels, avec des rétroprojections, en transparence sur fond noir dans les studios d’Excalibur. C’est comme on le faisait chez Hitchcock. Pour la fin de la séquence, au petit matin, on était vraiment dans la voiture, installés à l’arrière, avec la route éclairée seulement par les phares renforcés par des Cinékings. On était posé à 1,4 en 500, et il a fallu couper les routes car les gens en face étaient totalement éblouis. Dans la scène de l’hôpital par ailleurs, j’avais envie de faire des petites taches de lumière, pour créer cette atmosphère un peu inquiétante, alors j’ai simplement fermé les rideaux métalliques dans la chambre, et on a mis un projecteur 4 kW HMI derrière, sur un toit.

Parfois on se dit qu’on pourrait très bien se passer d’effets pareils, et puis on retombe dedans... Quand on veut faire une lumière " à effet ", une lumière directe et précise, c’est-à-dire peu éclairer les murs, se concentrer sur les visages, on ne sait pas toujours exactement ce qui va se passer, et on se fait piéger. Je ne suis pas gêné par contre, quand on tourne dans l’ombre, qu’un rayon de soleil apparaît, et crée une surexposition. C’est une chose que je provoque parfois.
J’aime bien les accidents, les projecteurs qui ne tapent pas là où il faut quand on les allume, ou quand la lumière rencontre un miroir... Ça crée des effets inattendus sur le sol et les comédiens.

Vous avez ce réflexe d’utiliser des " bricolages " sur le plateau, en direct, plutôt que les trucages en postproduction...

W. L. : Oui, j’ai toujours en réserve un minimum de matériel avec lequel je fais beaucoup de trucages en direct, à la Méliès.
Par exemple, sur un film de Marco Ferreri (I Love you, 1985), pour une scène en extérieur, tournée sur la Côte d’Azur, on voulait du beau temps, mais il pleuvait. Alors j’ai rajouté un faux soleil avec une flood. Grâce à un miroir semi-transparent à 45 degrés, les personnages sont au bord de mer et on a un énorme soleil rouge qui se lève sur la ligne d’horizon, impeccable.
C’est plus simple de travailler comme ça : on n’a pas une image de 2e génération.

C’est avec l’expérience que vous avez appris à maîtriser ce type de trucage, et à doser les effets, pour les fondre dans la lumière naturelle ?

W. L. : Quand je suis arrivé sur un plateau pour la première fois, en étant second assistant, je ne voyais pas ce qui se passait. Même sur les deux ou trois premiers films, je ne comprenais rien à la lumière. C’était trop. C’est seulement après en étant un premier bien rodé dans mon propre travail, que j’ai pu commencer à m’intéresser à la lumière.
Je filais des petits coups de main pour régler les projecteurs, maintenant je le fais faire aussi à mes assistants...

suite de l’article