Exposition : L’image mute

Futur Cinéma, l’imaginaire cinématique après le film

La Lettre AFC n°119

A la sortie de l’impressionnante exposition "Futur Cinéma, l’imaginaire cinématique après le film" du ZKM, le temple des nouveaux médias de Karlsruhe, le visiteur est comme sonné : le panorama offert est si vaste qu’il donne le vertige.
Parce que le passage au numérique a bouleversé les modes de production, de diffusion et de création du cinéma, via les caméras DV, l’Internet, l’image calculée (et ses effets spéciaux), l’exposition agit comme un cabinet des curiosités contemporain.

Au ZKM, ce qui frappe, sur les deux étages avec vue plongeante sur l’iCinema, sphère de 9 mètres de haut pour une projection à 360°, c’est l’hétérogénéité des pistes. Ecrans hypergéants, montages déstructurés, projection au laser ou incrustation vidéo du spectateur dans l’image, ce Future Cinema faiblement éclairé d’une lueur bleutée balaie le spectre des technologies de demain jusqu’aux œuvres les plus poétiques.
Cependant, d’un dispositif d’immersion à une installation vidéo des pistes apparaissent, fragiles, parfois couvertes de ce vernis technologique auquel cède parfois l’institution ZKM.
Ces pistes convergent néanmoins vers le spectateur, envisagé comme le pivot actif des dispositifs.

Interactivité et participation, ces deux voies sont les plus fréquentées des faiseurs de nouvelles images.
Dans la pratique, on titube un peu, passant à l’aveugle d’une image à l’autre, handicapé par cette proximité à l’image dérangeante. Les dispositifs les plus élaborés ont cet effet sur nos cerveaux reptiliens d’être parfois trop anticipateurs.
Pas étonnant dans ces conditions que les plus aptes à en profiter soient les enfants et adolescents, qui n’ont aucun complexe à tester, soulever, sauter, faire du vélo… L’adulte est au contraire physiquement déstabilisé.

Quant aux images elles-mêmes, les artistes des nouveaux médias semblent prendre un malin plaisir à faire joyeusement imploser les principes cinématographiques.
Il en va ainsi dans ce Future Cinéma : l’imaginaire des artistes est fertile, mais l’industrie du cinéma en est à des années-lumière.
(Libération, 12 février 2003)