Fracture

Yannick Kergoat, chef monteur

La Lettre AFC n°233

Il y a quelque chose d’exemplaire dans la manière dont la question de l’application de la Convention collective nous a divisés. Je crois qu’il faut partir de là.

Cette division n’a pas reproduit l’opposition de deux camps dont les intérêts, objectivement divergents, sont à la fois le sujet et l’objet même de toutes négociations sociales. Cette fracture est passée au milieu de nous. Là où nous étions objectivement proches, potentiellement solidaires.
Cette division, comme beaucoup je crois, je l’ai aussi vécue en moi-même, tiraillé par des amitiés qui tout d’un coup s’affirmaient inconciliables.

Pour moi, surmonter cette division consiste à admettre qu’aucun droit social, qui réglemente et protège, ne peut jamais, quel que soit le contexte, être une régression.
Surmonter cette division oblige à comprendre comment des producteurs, pour défendre le cinéma qu’ils aimaient et que nous aimons faire, n’ont pas, eux, d’autres choix, depuis maintenant des années, que de demander des efforts de plus en plus importants aux techniciens qu’ils emploient.
Il faut donc accepter le principe de cette Convention collective, patiemment négociée, et faire porter l’effort de compromis sur la question des clauses dérogatoires et de leurs modalités d’application. C’est la responsabilité de ceux qui ont en charge de pouvoir encore négocier cet aspect du texte.

Surmonter cette division est vital. Car c’est unis, et seulement unis, que nous aurons une chance de gagner la vraie bataille qui s’annonce pour la survie du cinéma tel que nous l’aimons. Une lutte qui va nous obliger, à court terme, à repenser et à reconstruire beaucoup de l’économie de nos métiers en réaffirmant solidairement ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Une lutte contre une logique très puissante dont l’une des armes les plus efficaces est de nous diviser.