Haskell Wexler, la lumière d’une " étoile " militante
par Florence ColombaniHaskell Wexler a mené une vie parallèle : directeur de la photo le jour, et la nuit, ou presque, réalisateur de documentaires engagés, financés par sa dévouée mère.
Dans son parcours de documentariste, l’antimilitarisme tient une place privilégiée. Il est capable d’une extrême sophistication (L’Affaire Thomas Crown, Norman Jewison, 1968) ou d’âpreté réaliste. Lorsque Nestor Almendros doit quitter le tournage des Moissons du ciel, de Terrence Malick (1978), il choisit Wexler pour le remplacer. Il épouse si bien les consignes de son aîné - « utiliser la lumière naturelle, pas de filtres » - qu’il lui est difficile, aujourd’hui, de distinguer leurs contributions respectives.
A Amiens, un spectateur a demandé à Haskell Wexler comment il aurait éclairé, s’il avait été seul maître à bord, ce sublime drame amoureux. Réponse : « J’espère que j’aurais eu l’intelligence de faire exactement comme Nestor. »
Haskell Wexler apparaît comme un homme d’une grande droiture. Il a filmé le voyage de militants pour les droits civiques. Direction : la grande marche de Washington (The Bus, 1965). Il a raillé le pouvoir de la télévision dans Medium Cool (1969), sa première fiction « complètement sous l’influence de Godard ». Il a observé les ravages de la dictature militaire au Brésil dans Brazil : A Report On Torture (1971). Il a dénoncé l’action souterraine de la CIA au Nicaragua (Latino, 1985). Infatigable, il vient de signer la photo de Silver City de John Sayles. Il tourne aussi un documentaire sur son ami, le grand chef opérateur Conrad L. Hall.
(Florence Colombani, Le Monde, 14 novembre 2004)