Notes sur " Le Marais " de Kim Nguyen

par Daniel Vincelette

La Lettre AFC n°115

Le Marais est le premier long métrage de Kim Nguyen, jeune réalisateur québecois qui en a aussi signé le scénario. Il décrit son film comme étant « un conte de fée pour adultes ». L’histoire se déroule dans un lieu reculé d’une Europe de l’Est imaginaire vers la seconde moitié du XIXe siècle, lieu dominé par les légendes et les superstitions.

Le film fut tourné en 23 jours en octobre 2001, dans la région de Stoneham, au nord de la ville de Québec. Vous devez comprendre qu’à ce moment de l’année, c’est l’automne dans ces régions nordiques et que le scénario se déroulait presque entièrement en extérieurs. Nous avions trouvé des lieux et un climat extraordinaires, mais le tournage fut très difficile pour tous.

Imaginez la température instable passant continuellement du soleil aux nuages et inversement, la pluie froide, les déplacements en montagne, en forêt et dans les marais, les journées qui raccourcissent et l’emploi du temps chargé qui ne s’allège pas ainsi que l’inaccessibilité de certains lieux où nous devions tout de même transporter un minimum de matériel pour tourner et vous aurez une petite idée de l’ardeur au travail que tous ont dû fournir pour réaliser ce film qui s’est tout de même tourné dans la bonne humeur, merci à Kim et à la production.

Dès la préparation, nous avions établi une sorte de " look " de référence, nous inspirant entre autres du peintre allemand Caspar David Friedrich, contemporain de Goya et précurseur de l’impressionnisme ; afin d’affiner nos références nous avons tourné une série d’essais afin de juger pellicules, filtration, costumes et maquillages spéciaux. Ces essais nous ont aussi servi pour jeter les bases de notre postproduction car il était établi que nous allions emprunter la nouvelle voie numérique et nous voulions jauger l’espace de travail qu’un tel procédé nous laisserait.

Nous avons par la suite choisi deux pellicules, les Fuji 8562 (250D) et 8572 (500T), à cause de la latitude, faible granularité et douce saturation couleur de la première, et de la vitesse et très acceptable granularité de la seconde qui nous donnait une bonne marge de manœuvre pour nos tournages de nuit nombreux, dont plusieurs éclairés à la torche même si nous avions un matériel électrique adéquat.

Sachant donc que nous devions faire la postproduction du film en mode numérique (digital lab), le réalisateur (expert en postproduction numérique 2D) et moi avons grandement insisté pour tourner en 35 mm, plutôt qu’en super 16 mm ou HD comme il fût discuté à un certain moment pour des raisons budgétaires. Nous allions tourner en extérieurs, dans des conditions très difficiles et pour nous il était clair que le film nous offrirait le contrôle et la résolution dont nous aurions besoin par la suite.
Nous avons donc décidé de tourner en 3 perforations sur des caméras Arriflex (objectifs Cooke), ce qui nous permettait une certaine économie et nous assurait la meilleure et plus grande image possible grâce au cadrage Super 1:1,85 choisi.

La suite du procédé fut relativement simple mais laborieuse : une fois le film monté sur Avid, le négatif fut coupé (avec amorce aux extrémités de chaque plan), puis numérisé sur Spirit DataCine en HD. Les fichiers ainsi obtenus furent transférés sur disques durs et stockés chez le réalisateur qui s’était monté chez lui un système qui nous a permis de manipuler les images afin de les rendre telles que vous les voyez dans le film.
Après nos travaux d’alchimie moderne, les fichiers furent recopiés sur pellicule (internégatif) via un Celco. Quelques corrections supplémentaires d’étalonnage conventionnel furent nécessaires avant de tirer les copies, mais somme toute, le procédé fut fascinant.