Rencontre avec Thomas Eberschveiler, ayant rejoint Mikros Image

par MPC Paris Contre-Champ AFC n°322

Thomas Eberschveiler a récemment rejoint l’équipe de Mikros Image à Paris en tant que Superviseur Workflows Image. Passionné depuis l’enfance par les métiers de l’image, Thomas Eberschveiler a plus de dix ans d’expérience en postproduction. Dans cet entretien, il nous parle de son parcours international, qui l’a amené à acquérir une connaissance approfondie des workflows colorimétriques et de la chaîne de fabrication des images au service de tout type de projet.

Bonjour Thomas ! Tu viens de rejoindre Mikros Image. Pourrais-tu nous parler de ton parcours ?
Thomas Eberschveiler : A quatorze ans, en 2005, j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage de trois mois chez Eclair. J’ai pu voir le travail photochimique de l’image, à un moment clef de l’évolution technologique qui s’opérait dans l’industrie, puisque la bascule vers l’étalonnage numérique commençait à s’opérer. J’y ai aussi rencontré des étalonneurs et étalonneuses que je côtoie encore aujourd’hui.
Après un premier poste à Paris dans l’intégration de stations de montage, d’étalonnage et de stockage, je suis parti vivre à New York. J’ai rejoint une première société, Metropolis Post, en tant qu’assistant étalonneur et restaurateur de film. J’ai aussi travaillé chez Harbor Picture Company, à la gestion de leurs salles Avid et Resolve. C’est à New York que j’ai rencontré l’équipe de FilmLight, que j’ai ensuite rejoint en tant que spécialiste Workflow, à Londres. Ce travail autour du Baselight m’a permis d’approfondir mes connaissances des chaînes de travail colorimétrique, de voyager dans seize pays, et d’animer des ateliers/workshops notamment sur la continuité colorimétrique entre tournage, montage, VFX et étalonnage.
C’est par ce biais que j’ai rencontré et collaboré avec les équipes de Mikros Image sur les aspects techniques de la postproduction mais aussi lors de présentations communes pour des festivals tel que Camerimage et de conférences. Je suis heureux de rejoindre l’équipe aujourd’hui.

Que retiens-tu de tes expériences précédentes ?
TE : Je dirais que j’ai acquis une bonne vision globale de l’ensemble de la chaîne de création de l’image et des problématiques que rencontre chacun des intervenants. J’ai rendu visite à plus d’une cinquantaine de société de postproduction qui utilisent le Baselight, et j’ai pu voir de nombreux exemples d’utilisation de cette plateforme. Je me suis efforcé au quotidien d’identifier le meilleur de chaque configuration et de les appliquer dans des cas d’usage.
Au-delà de la partie technique avec les espaces colorimétriques ou des métadonnées, je me suis appliqué à mettre en place un échange entre les différents métiers, accompagner la communauté des étalonneurs et étalonneuses et des utilisateurs… Tout le monde n’a pas le même point de vue, ni le même vocabulaire, et faciliter les échanges entre les DoP et la postproduction me semble essentiel.
Enfin, j’ai pu travailler sur des projets de typologie et d’envergure très variés ; que ce soit pour des budgets conséquents comme pour des projets plus indépendants. Cela m’a permis d’apprendre à accompagner de manière beaucoup plus personnalisée toute sorte de projets et des visions créatives très variées, avec des sensibilités très différentes d’un pays à un autre.

Qu’est-ce qui t’a amené à rejoindre l’équipe de Mikros à Paris ?
TE : Chez Mikros, toutes les opérations de traitement des rushes, de coordination de projets d’étalonnage, ou encore de conformation, sont effectuées par une équipe référente stable, au sein du studio. Superviser des workflows image est difficile s’il n’y a pas une équipe présente, sinon on perd tellement en continuité et en partage de connaissances.
Je me suis aussi retrouvé dans la variété des projets sur lesquels Mikros travaille. Je peux citer quelques exemples récents : Animal, Lupin, Les Olympiades, Annette, Mylène Farmer 2019 - le film, ou encore Gagarine. Cette courte sélection est un reflet de l’évolution de la production cinématographique et de série à laquelle nous assistons, et de la grande technicité demandée au quotidien.
Les artistes et les équipes de Mikros qui ont collaboré sur ces projets ont une solide expérience des VFX et de la postproduction, et ont une connaissance approfondie des images. Même si traiter un aspect sans l’autre est possible, l’équipe a tout à fait conscience des enjeux de la création et du traitement des images.

Selon toi, quel est le rôle d’une société de postproduction aujourd’hui ?
TE : Une société de postproduction ne doit pas se détourner des changements qui s’opèrent, mais aller vers ces changements. Innover, comprendre ces problématiques, et offrir une méthodologie de travail claire et structurée. Un exemple : la multiplication de mode de visionnage, y compris HDR, n’est plus un débat, mais notre quotidien. Rares seront les projets pour lesquels une livraison HDR ne sera pas demandée au cours des prochaines années... Et pourtant, il y a encore de nombreux blocages dans l’utilisation de chaînes de travail colorimétriques modernisées, alors que ce sont ces nouvelles chaînes qui permettent d’assurer que l’image que les directeurs/directrices de la photographie signent est la plus fidèlement adaptée à chacun de ces modes de diffusion.
Un projet s’accompagne à chaque étape, la société de postproduction se doit de construire une discussion et d’être ce partenaire ouvert et disponible. L’ensemble des activités de traitement de rushes et d’étalonnage de Mikros ont été réunies sur le site rue de Hauteville. Sa porte est, et restera toujours ouverte !

Quel est le film dont la postproduction t’a particulièrement marqué ?
TE : Un film qui, des années après sa sortie, continue de me fasciner, c’est Zodiac, de David Fincher. Le film est photographié par Harris Savides, et étalonné par Stephen Nakamura. Il date de 2007, tourné en numérique, ce qui était une réelle exception à cette époque, et au moment où un débat pellicule/numérique prenait place. Tourner et traiter une caméra Viper était presque similaire à travailler avec un prototype, avec un enregistrement des DPX de la caméra sur un ordinateur externe par exemple. Ce film conserve une telle puissance cinématographique, avec des choix chromatiques forts, une volonté de conserver le réalisme des sources lumineuses la nuit malgré le côté orange ou verdâtre... et recréer en VFX des rues entières de San Francisco. Je l’ai revu récemment, et j’ai eu l’impression de continuer à le découvrir.
Beaucoup plus récemment, j’ai été très marqué par la photographie de Caroline Champetier sur le film Annette, réalisé par Leos Carax. On assiste régulièrement à des discussions sur les rendus des peaux, la question de la netteté, la finesse de la restitution chromatique... J’ai eu l’impression d’entrer dans un univers où la maîtrise technique et narrative apportait une réponse, sans aucun mot, à ces questions.

(Propos recueillis par Joëlle Moorghen Cleworth, Directrice Marketing, Mikros Image)