Retour sur Camerimage 2022 et l’atelier Angénieux
Par Etienne Mommessin, étudiant en quatrième année Image à La FémisPour commencer, je tiens à remercier chaleureusement Angénieux, son président et ses commerciaux que nous avons eu la chance de rencontrer au festival international Camerimage. Ce partenariat est d’une importance capitale pour nous, étudiants, car le soutien matériel lors de nos tournages est essentiel. Le festival m’a rappelé à quel point la collaboration est aussi humaine et qu’il ne faut pas l’oublier. Se déplacer en Pologne pour découvrir des films, revoir des collègues internationaux, rencontrer des collègues français et inversement, se mettre à la page des nouvelles sorties de matériel et profiter de l’ambiance de camaraderie pour apprendre les uns des autres, à l’échelle internationale, est une opportunité sans pareil pour nous jeunes chefs opérateurs et opératrices et techniciens-techniciennes d’échanger avec notre génération, admirer les doyens et doyennes, rendre hommage à ceux et celles qui ne sont plus là pour discuter cinéma mais qui ont laissé un travail que l’on n’oubliera pas.
Je suis un habitué des festivals. C’est vrai que j’étais surpris qu’un festival récompense les chefs opérateurs. Je vois le travail de l’image comme un travail difficilement séparable de la mise en scène, difficilement séparable du travail d’espace et de surface qu’offrent les décors, difficilement séparable de la simple notion de travail d’équipe que convoque la fabrication d’un film. Le cadre, la lumière, le mouvement sont des éléments de mise en scène et sont une petite partie d’un ensemble de départements. Pourquoi alors récompenser l’image si l’on parle de cinéma ? Applaudir à une seule personne dans le générique quitte à ne pas applaudir aux autres membres de l’équipe me paraissait bien étrange. J’ai pourtant eu beaucoup plaisir de rencontrer la communauté des DoPs et compris en y allant quel en était l’intérêt – le partage d’expérience et la générosité, la passion commune des DoPs.
L’expérience cinéphilique et professionnelle a été particulièrement enrichissante notamment en enchaînant masterclasses, projections, et rencontres, comme avec Angénieux lors du workshop autour de sa série Optimo Prime équipée de la technique IOP. C’est une nouveauté intéressante puisque les optiques intègrent un système de filtre interne interchangeable de manière autonome. C’est-à-dire que le changement ne demande pas l’intervention d’Angénieux ou du loueur. L’assistant caméra peut s’en charger, bien que le changement demande une procédure assez précautionneuse et un environnement propre. Le changement ne peut pas se faire "au cul du camion". L’idée est intéressante car les filtres en question sont positionnés sur le plan afocal, ce qui signifie optiquement que l’effet des filtres ne dépendra jamais de la focale de l’objectif. Un filtre Soft FX de densité 1 aura exactement le même effet sur le 16 mm de la série que sur le 200 mm de la série. C’est un avantage de marque puisqu’il sera dorénavant possible de choisir comment filtrer une série en se débarrassant donc de changement de filtres sur le tournage pour adapter l’effet. Les séries seront davantage homogènes. Ce qui m’a frappé, c’est que cette technologie enlève l’impression de filtre. C’est-à-dire que l’effet des filtres, l’évolution des flares selon le type d’IOP, intégré à l’intérieur de l’optique donne une réelle sensation d’être la nature même de l’optique. Les tests sont intéressants - on comprend vraiment la différence entre filtre interne et externe, frontal ou à l’arrière de l’optique car c’est aussi ce que permet la série Optimo Prime – mettre des filtres à l’arrière de l’optique. Mais ces deux variables ne sont pas les seules. Il existe déjà une petite dizaine de types de filtres IOP mais aussi la possibilité de changer le type d’iris. Il est possible dans ces optiques sphériques de poser un iris elliptique qui donnera des bokehs elliptiques rappelant la forme de ceux que forment les optiques anamorphiques. Il existe aussi des iris plus exotiques, l’un qui donne des bokehs triangulaires, l’autre en forme de cœur et ce ne sont que les exemples déjà fabriqués – il ne reste plus qu’à être créatif. L’avantage de cette série est avant tout, selon moi, son close-focus qui varie entre 1 pied 2 pouces et 1 pied 8 pouces mais aussi sa grande ouverture T1,8. Je pense tourner bientôt avec cette série puisqu’il y en a maintenant une de disponible à La Fémis et qu’il me tarde de me faire un avis plus pragmatique.
L’aspect technique de l’image prend une place importante dans les couloirs du festival, puisqu’il rassemble, un peu comme le fait le Micro Salon, l’ensemble des marques et acteurs du matériel caméra, lumière et machinerie. Il y a tout de même une vraie place à la réflexion du métier d’opérateur dans les rencontres et masterclasses. Ed Lachman et Charlotte Bruus Christensen ont fait un hommage à Sven Nykvist et nous ont donné à penser ce qu’est la photographie au cinéma, justement en s’émancipant de la question technique et en analysant la proximité de Nykvist avec les comédiens ainsi que le temps qu’ils passaient, lui et Bergman, à observer la lumière évoluer dans leurs décors. Il y a aussi une place à des films plus à la marge : j’étais ravi grâce à la rétrospective qui lui a été offerte, de découvrir la merveilleuse filmographie d’Ulrike Ottinger, avant-gardiste allemande, aussi radicale qu’authentique, aussi revendicatrice que poétique et d’ailleurs aussi réalisatrice qu’opératrice de ses films. Mon plaisir coupable en tant que grand mélomane a été de participer à la projection sur grand écran d’une sélection de clips musicaux. Je trouve que le terrain créatif du clip est exceptionnel dans sa force synesthésique qui mêle musique et image.
Pour conclure simplement, le festival Camerimage est un lieu idéal pour rester connecté dans un futur proche au monde de l’image. Je pense y retourner par mes propres moyens, car l’accès aux nouveautés technologiques et au réseau du cinéma est assez alléchant.