Six minutes et 14 secondes... avec Henri Decae

Par Marc Salomon, membre consultant de l’AFC

Contre-Champ AFC n°310

En 1967, Rodolphe-Maurice Arlaud, scénariste d’origine suisse, s’entretenait brièvement avec Henri Decae, pour la RTS (Radio Télévision Suisse). Henri Decae, qui venait d’achever le tournage du Samouraï, de Jean-Pierre Melville, était alors une des deux figures emblématiques des opérateurs de la Nouvelle Vague, avec Raoul Coutard.

Né en 1915, Henri Decae - parfois orthographié Decaë -, est diplômé en 1935 de l’"Ecole technique de photographie et cinéma", aujourd’hui ENS Louis-Lumière. Il rejoint le service cinéma de l’Armée de l’air puis assure quelques reportages photo après-guerre pour Le Petit Parisien. Il rencontre et travaille ensuite avec Jean Mineur, Marc de Gastyne et Jacques Loew sur des films publicitaires et des courts métrages, avant de rencontrer Jean-Pierre Melville qui lui confie la caméra sur Le Silence de la mer, en 1947.

Mais c’est Bob le flambeur, huit ans plus tard, qui va lancer sa carrière quand les jeunes réalisateurs de la Nouvelle Vague vont se reconnaître dans son travail : équipe légère, simplicité de la photographie grâce à une pellicule sensible (la Gevaert 36 *) et les lampes Flood. Louis Malle puis Claude Chabrol et François Truffaut font alors appel à lui.

François Truffaut dira plus tard : « Henri Decae, qui était d’ailleurs beaucoup plus âgé que les metteurs en scène qui l’employaient, était en France ce phénomène rare : un opérateur d’avant-garde. Il a fait Le Silence de la mer, Les Enfants terribles, et il était un peu symbolique de ce nouveau style de tournage où tout est simplifié, où l’équipe est extrêmement peu nombreuse, où l’on éclaire très peu et où l’on prend énormément de risques. Il a été à peu près le seul parmi les autres opérateurs français à avoir eu ce courage. Et comme il avait en plus un style de photo où la chaleur de la prise et le côté vivant étaient préférés au jeu d’ombres et de lumière, par exemple, je crois qu’il s’est trouvé en accord avec nos positions esthétiques. Il y a eu cette bonne coïncidence. »

Voir ce court entretien avec Henri Decae.


https://youtu.be/nEk6ztWIqkc

Voir la bande-annonce de Bob le flambeur, de Jean-Pierre Melville (1955).


https://youtu.be/PhWLGbK-Vt8

* La Gevaert 36 - Gevaert Gevapan 36 type 191 (250 ASA Lumière du jour, 200 ASA Tungstène) - sera d’ailleurs baptisée "la pellicule de la Nouvelle Vague". Henri Decae l’utilisa encore pour Le Beau Serge, de Claude Chabrol, Les Quatre cents coups, de François Truffaut ; Raoul Coutard pour Lola, de Jacques Demy, et même Léonce-Henry Burel pour Pickpocket, de Robert Bresson.