Bertrand Blier est parti. Fini, la rigolade !
Par Philippe Rousselot, AFC, ASCLe meilleur hommage qu’on pourrait lui faire : voir et revoir sérieusement, (entre autres) Un, deux, trois, soleil, pour moi son plus beau film, ce vertigineux portrait de la faillite de notre société, à l’image du personnage incarné par Mastroianni, noyé d’alcool et incapable de retrouver sa maison, image, qui au fond, est notre image à nous tous.
J’ai eu la très grande chance de travailler sur deux de ses films, parmi les moments les plus heureux de ma carrière.
Aller chaque matin au boulot, c’était aller à la fête. Le plateau était joyeux, l’équipe heureuse, mieux qu’en vacances. On se foutait des conventions, on avait le droit de bousculer les habitudes, de transgresser les règles, de faire de la nuit le jour, de raccorder l’irracordable. Chaque jour était une leçon de liberté. On avait l’impression (sans doute très prétentieuse, mais peu importe) de réinventer le cinéma. L’humour faisait loi, même si l’on se doutait bien qu’il n’était qu’un moyen d’écarter une forme de dépression dont Blier ne put jamais se défaire.

Blier est parti. Il dérange encore, j’espère qu’il le fera encore longtemps. Sinon, par ces temps mauvais on peut craindre de voir se refermer les portes qu’il avait grandes ouvertes et de retomber dans le confort de la médiocrité.
(Philippe Rousselot a dirigé la photographie de Trop belle pour toi (1988) et Merci la vie (1990), de Bertrand Blier – NDLR)