Convention collective, contributions diverses

Richard Andry, AFC, Diane Baratier, AFC, Bernard Blancan, Laurent Dailland, AFC, Patrick Duroux, AFC, Antoine Héberlé, AFC, Denis Lenoir, AFC, ASC, Philippe Van Leeuw, AFC

AFC newsletter n°233

Parmi les nombreuses contributions qui ont nourri le hors série consacré à la Convention collective, voici rassemblés, en complément de ceux publiés séparément, des extraits d’écrits de Richard Andry, AFC, Diane Baratier, AFC, Bernard Blancan, Laurent Dailland, AFC, Patrick Duroux, AFC, Antoine Héberlé, AFC, Denis Lenoir, AFC, ASC, et Philippe Van Leeuw, AFC.

Richard Andry, directeur de la photographie, AFC , 24 juin 2013
De gros nuages s’amoncellent au-dessus de nos têtes. Les loups ont de plus grandes dents et les moutons sont toujours aussi bêtes. Ce n’est pas le moment de mollir. Les lendemains ne chanteront pas avant longtemps. La grande Braderie va s’ouvrir. […]
Soutenons ceux qui sont actuellement à nos côtés. Continuons le combat. Pour que les jeunes générations ne se fassent pas bouffer tout cru. Sans cela, ce sera le naufrage.

Photogramme du film "Saigon Eclipse", d'Othello Khanh - Image : Richard Andry
Photogramme du film "Saigon Eclipse", d’Othello Khanh
Image : Richard Andry

Diane Baratier, directrice de la photographie, AFC , 23 juin 2013
Les producteurs qui ne veulent pas payer abusent du désir de l’autre. Un film est un lieu de désir puisque nous sommes tous en train de créer. Le salaire est notre meilleur rempart pour nous protéger du désir de l’autre. Nous faisons le film d’un réalisateur pour qu’il s’exprime au mieux, pour lui permettre de rendre accessible au public sa vision, nous sommes dans son désir de film et le producteur devient propriétaire de ce film. Mais nous à la fin du tournage il ne nous reste plus que notre paie en contrepartie de tous les dons et sacrifices consentis pour le film, c’est-à-dire pour eux. Voilà des lieux communs dont nous sommes tous conscients.

"L'Anglaise et le Duc", d'Eric Rohmer - Image : Diane Baratier
"L’Anglaise et le Duc", d’Eric Rohmer
Image : Diane Baratier

Bernard Blancan , 17 juin 2013
Ainsi, par un tour de passe-passe intellectuel, le droit du travail devenait un obstacle à la création artistique et un outil pour le Grand Capital. Ce discours étant porté par des figures de l’engagement (Pascale Ferran dont on se souvient de la belle défense des intermittents, Laurent Cantet et ses Ressources humaines, Agnès Jaoui, Pierre Salvadori…) avait de quoi séduire. « Si l’on applique cette convention, les jeunes techniciens ne pourront plus démarrer leur carrière », par exemple. […]
Pendant le débat, très digne, du fond, j’entendais les sarcasmes des deux camps. Ceux des assaillants étaient bien plus nombreux. L’image globale qui naissait de ce débat était celle d’un combat d’une garde jeune, branchée et médiatisée contre des dinosaures has been d’une gauche vieillissante et enterrée depuis longtemps.

Photogramme du film "Ogres niais" - Réalisation : Bernard Blancan
Photogramme du film "Ogres niais"
Réalisation : Bernard Blancan

Caroline Champetier, directrice de la photographie, AFC , 20 juin 2013
Je suis pour que tous les films vivent, tout en sachant pertinemment que la belle diversité du cinéma français, les agents, les producteurs, les distributeurs, les exploitants, y puisent allègrement pour leurs intérêts propres mais je n’accepte pas que cette diversité soit payée uniquement par les techniciens et les industries techniques.
Oui à la diversité mais que tous y contribuent et transparence absolue des budgets.
Après ça, nous continuerons à négocier.

Caroline Champetier , 24 juin 2013
Cette convention peut être le début de nouvelles pratiques mais il faut les mettre en place, être vigilant et avoir plus que jamais des bases communes sur ce qu’est notre métier de cinéaste.

Laurent Dailland, directeur de la photographie, AFC , 11 avril 2013
Toutes les manigances autour de cette convention nous montrent bien le peu d’intérêt que représente une œuvre cinématographique aujourd’hui. Nous pourrions être fiers de notre savoir-faire, de nos auteurs, artistes, ouvriers et techniciens, mais on va finir par se sentir coupable de travailler honnêtement payé. […]
Le prochain projet, je dois expliquer à mon équipe que le film est menacé parce qu’il y a un meurtre et un viol et surtout que ce n’est pas une pantalonnade !!! Alors les financiers hésitent.
Bref tu as raison, on est dans la merde, mais battons-nous encore pour le cinéma et contre les marges. Autrefois le grand capital faisait du mécénat, aujourd’hui il veut juste faire de l’argent.
Pfuuuu !!!

Photogramme du film "Le Grand méchant loup", de Nicolas Charlet et Bruno Lavaine - Image : Laurent Dailland
Photogramme du film "Le Grand méchant loup", de Nicolas Charlet et Bruno Lavaine
Image : Laurent Dailland

Laurent Dailland , 11 juin 2013
J’ai toujours eu du mal à accepter qu’un producteur préfère négocier avec une trentaine de techniciens une baisse de salaire de 10 %, plutôt qu’une réduction de 5 % du cachet des deux acteurs principaux...
En revanche, il ne faut pas que la situation s’envenime entre les réalisateurs et les techniciens, nous avons besoin les uns des autres et je trouve qu’en lisant de trop nombreux commentaires sans recul le climat devient insupportable. Il y a toujours des films très difficiles à faire et un grand nombre de techniciens sont tout autant investis et passionnés que les réalisateurs dans la réussite des tournages. Une convention doit exister et des dérogations bien cadrées aussi !

Nathalie Durand, directrice de la photographie, AFC , 2 juillet 2013
Parce que chaque jour nous sommes confrontés à une loi du marché de plus en plus vorace
Parce que nous faisons notre métier avec passion
Parce que nous sommes là pour accompagner les réalisatrices et les réalisateurs
Parce que nous avons le souci de faire au mieux
Parce que l’art naît de contrainte
Parce qu’il n’y a pas de petit film
Parce que nous sommes des gens responsables
Parce qu’il y a longtemps que nous ne sommes plus des privilégiés
Parce que nous sommes de plus en plus de travailleurs précaires
Parce que… Parce que...
Nous avons besoin d’une Convention collective qui ramène de la justice sociale dans la jungle de la production.

Photogramme du film "Pieds nus sur les limaces", de Fabienne Berthaud - Image : Nathalie Durand
Photogramme du film "Pieds nus sur les limaces", de Fabienne Berthaud
Image : Nathalie Durand

Patrick Duroux, directeur de la photographie, AFC , 30 juin 2013
On participe à ces méthodes de travail quasi clandestines.
Par exemple, pourquoi faire venir des opérateurs sur des repérages (pas toujours si techniques) alors que ce même opérateur n’aurait qu’à regarder des images envoyées par e-mail, donc deviner la configuration des lieux, les orientations, les dimensions (même si pour cela il faut renvoyer des dizaines de messages afin d’espérer recevoir un schéma avec quelques mesures) ?
Cette maladie de réduction des coûts (coûts apparents) permet de retarder des voyages (réduire des frais d’hôtel) mais a pour incidence de ne plus assez partager autour d’une table, dans un lieu de repérages. Dans la pratique cette méthode coûte souvent beaucoup plus d’euros que prévus à la production (la même décision prise en amont est toujours moins onéreuse que dans l’urgence ?) car, à l’issue d’une rencontre avec un gaffer, un machiniste, une superbe idée apparaît, comme parfois hors sujet et, en fait, règle une grande partie de nos interrogations.

Photogramme du film "Au bonheur des ogres", de Nicolas Bary - Image : Patrick Duroux
Photogramme du film "Au bonheur des ogres", de Nicolas Bary
Image : Patrick Duroux

Claude Garnier, directrice de la photographie, AFC , 23 juin 2013
On parle de nos relations avec les réalisateurs. Certains parlent de blessures profondes, de rancœur, d’injustice...
D’autres pensent que beaucoup de réalisateurs ont signé la pétition par ignorance et aussi par allégeance... pour faire partie de la famille.

Pierre-William Glenn, directeur de la photographie, AFC , 20 juin 2013
C’est ainsi que certains producteurs découvrent qu’un gouvernement de gauche est, curieusement, favorable aux salariés et aux conventions collectives...
Je suis tout à fait contre à un cinéma à deux vitesses.
La seule base est que les minimums syndicaux, comme je le répète, ne doivent pas être transgressés légalement. L’intéressement demande une transparence des comptes qui ne saurait exister sans un CNC ayant réellement le pouvoir exécutif de faire appliquer la loi et de sanctionner. Ce qui n’est malheureusement pas le cas.
La menace de faire de notre métier une zone de non droit est réelle. Elle l’est depuis longtemps, le secteur était protégé par des syndicats efficaces et des cartes professionnelles et des producteurs qui respectaient et les syndicats et la réglementation. Nous sommes dans la période libérale du ’’ chacun pour soi et moi d’abord ’’, de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits et le SPI, avec ses méthodes et ses putschs, en est l’incarnation évidente dans notre profession. Que ces gens soient heureux de nous voir nous écharper avec la ’’ nouvelle ’’ SRF, heureux de diviser pour régner, est une chose évidente. A qui profite de faire des films qui ne rétribuent pas leurs salariés, qui ne rétribuent pas les industries techniques françaises ? La réponse est aisée : aux personnes qui vivent d’argent public, avec des alibis artistiques et sans autres obligations que de truquer leurs comptes. Et quand ces gens-là deviennent riches, ils font des théories sur leur pratique délictueuse et... décentralisatrice, puisque ça coûte trop cher en France.

Antoine Héberlé, directeur de la photographie, AFC , 18 juin 2013
Je pense qu’il faut réfléchir différemment, voire inversement, c’est-à-dire où trouver ce qui manque pour produire ces mêmes films avec la nouvelle convention... Et c’est cette réflexion que doivent faire les producteurs pour proposer de nouvelles formes de financements, sans se tourner vers nous, techniciens.
On croit entendre les ténors de la macroéconomie mondiale nous expliquer comment revenir aux équilibres, comment relancer la machine face à la crise. C’est-à-dire comment maintenir un système qui a fait la preuve de ses dysfonctionnements alors qu’il nous faut réinventer.

Denis Lenoir, directeur de la photographie, AFC, ASC , 20 juin 2013
Par ailleurs, et sans cesser de rechercher un possible compromis, n’est-il pas temps de se poser la question de l’engagement syndical (oui je sais, cette idée même, pour de multiples raisons, révulse beaucoup d’entre nous), je veux dire n’est-il pas temps de nous (ré)inscrire tous au syndicat, à travers une campagne active, en emmenant avec nous les autres associations (monteurs, son, déco, etc.) et en étendant cette campagne d’inscription à tous les " below the line " que nous connaissons.

Photogramme du film "Carlos", d'Olivier Assayas - Image : Denis Lenoir
Photogramme du film "Carlos", d’Olivier Assayas
Image : Denis Lenoir

Denis Lenoir , 26 juin 2013
Après tout, peut-être est-ce bien normal, ne sommes-nous pas, nous les chefs opérateurs, ceux qui veulent toujours avec le plus d’acharnement trouver les solutions pratiques qui nous permettent quand nos réalisateurs demandent la lune de la filmer pour eux.

Matthieu Poirot-Delpech, directeur de la photographie, AFC , 20 juin 2013
Le rapport du médiateur est tronqué. Il constate, la belle affaire, qu’en payant les salariés normalement les films couteront plus chers. Rien sur les salaires producteurs. Rien sur les salaires des acteurs. Rien sur le financement des films. Rien sur l’opacité de la remontée des recettes. Etc.
Pour l’instant, ce rapport n’a été l’objet d’aucun commentaire. Nous devons nous y coller.

Philippe Van Leeuw, réalisateur, directeur de la photographie, AFC , 20 juin 2013
Je pense que le chaos dans lequel nous semblons être n’est qu’apparent, qu’il y a au fond tout un attirail de règles et de précautions qui sont à l’œuvre, mais qu’elles ont été perverties, bon gré mal gré, et que l’assainissement de la situation passe avant tout par le respect des uns et des autres. C’est peut-être un combat d’arrière-garde, mais c’est ce que je crois. Quand j’ai fait mon film, j’ai subi énormément de perversions et si j’ai réussi malgré tout, c’est parce qu’aux moments clés, mon chef op, mon ingé-son et ma monteuse sont montés en première ligne pour me défendre, pour défendre mon film. Sans eux, je n’aurais peut-être pas eu le courage de tenir, pas tenir tête, seulement tenir. Et pourtant finalement, je peux quand même aussi rendre hommage à mon producteur parce que, même s’il a perdu confiance en mon entreprise pendant le tournage, le film tel qu’il est, existe grâce à lui aussi.

Photogramme du film "Le Jour où Dieu est parti en voyage" - Réalisation Philippe Van Leeuw
Photogramme du film "Le Jour où Dieu est parti en voyage"
Réalisation Philippe Van Leeuw