L’Opérateur ! grand maître de la lumière

Il est le grand maître de la lumière. C’est lui et lui seul qui peut redresser la courbe défectueuse d’un nez, faire disparaître les plis disgracieux d’un cou, faire fondre un double menton-réquisitoire, affiner l’ovale d’un visage, polir un front et éveiller dans une prunelle une lueur de bonté, de souffrance, de génie ou simplement d’intelligence.

Le poème qu’Edmond Rostand adresse au soleil par la voix de Chantecler pourrait lui être appliqué vers par vers... Sans lui les " stars " ne seraient que ce qu’elles sont, c’est-à-dire, bien souvent, pas grand’chose.

Aussi les vedettes qui ont une exacte compréhension de leurs intérêts ont-elles pour leur opérateur des attentions et des égards vraiment touchants. Tu en rencontreras bien certainement une - c’est une femme charmante - qui ne retrouve pas son opérateur sans lui sauter au cou et l’embrasser comme un frère et une autre - c’est aussi une femme charmante - qui ne laisse pas passer une semaine sans apporter à son opérateur quelque petit souvenir destiné à sa femme.

Il y a deux sortes d’opérateurs : ceux qui se contentent d’obéir à leur metteur en scène et de placer leur appareil là où ils reçoivent l’ordre de le placer et ceux qui s’intéressent à leur travail - ce sont les plus nombreux - qui cherchent, qui se donnent du mal, sont devenus des collaborateurs véritables et ont pris une autorité que rien ne saurait détruire.

Le plus fort de tous est celui qui ne craint pas de dire à l’étoile de la troupe et d’un ton qui n’admet pas de réplique : « C’est fini pour ce soir... Vous êtes fatiguée, vous êtes laide... Nous ne ferions rien de bon ! » Celui-là est un as !

(Tiré de l’ouvrage Tu seras star ! Introduction à la vie cinématographique de René Jeanne, La Nouvelle Société d’Edition, 1929)