The Digital Dilemma 2

par Philippe Brelot, administrateur du forum cinematographie.info

Voici ma traduction d’un article de Variety daté du 18 janvier 2012 de David S. Cohen sur le rapport Le dilemme numérique 2, établi par le Science & Technology Council de l’Academy of Motion Picture Arts & Sciences.
Le jour ou le festival de Sundance a ouvert ses portes et Eastman Kodak s’est déclaré en faillite, la Motion Picture Academy a jeté un pavé dans la " mare tranquille " du cinéma numérique.

Préserver les films est un problème permanent pour toute l’industrie du cinéma, mais un nouveau rapport de l’Académie nous prévient que les films tournés ou finis en numérique feront face à une durée de vie si courte qu’ils peuvent même être perdus avant même d’arriver en distribution. Pire, les cinéastes de films indépendants et de documentaires, dont le travail est plus vulnérable à ce risque, semblent inconscients des dangers. Ces sombres conclusions figurent dans la partie 2 du très attendu rapport sur les problèmes de conservation numérique de l’Academy & Technology Council, intitulé : Dilemme numérique. Elles alimenteront probablement les conversations à Park City.

La partie 1 de ce rapport (publié en 2007) concernait les studios, la partie 2, quant à elle s’intéresse aux films indépendants et aux documentaires et conclue que : la technologie qui facilite la fabrication de ces films sous-tend également le manque de garanties de longévité de ces films. Et, tandis que l’Académie constate que, pour ces secteurs de l’industrie cinématographique encore ignorants de la fragilité des fichiers numériques : il importe peu, de toute façon, ils n’ont pas les ressources pour s’attaquer au problème .

L’essentiel est que nous manquons de temps, a déclaré à Variety Milt Shefter, co-auteur du rapport, membre du Conseil Science-Technologie, Le temps des études est passé. Nous devons trouver des solutions, ou nous allons perdre beaucoup.

En bref, le stockage numérique, que ce soit sur les disques durs, DVD ou à l’état mémoire, n’est tout simplement pas à la hauteur de la durée de vie de plus de 100 ans du cinéma. La vie des médias numériques est mesurée en années plutôt qu’en décennies, et les formats de fichiers peuvent devenir obsolètes dans les mois qui suivent leurs fabrications ou utilisations. Comme l’explique le rapport, qui vise les films toujours en recherche de distribution, et non pas uniquement les titres en catalogues : les films indépendants qui essaient de trouver une distribution le font sur une période beaucoup plus longue que les films produits par les grands studios. Cette période de temps dépasse souvent la « durée de vie normale » des travaux numériques qui sont « normalement », rapidement sécurisés par la distribution ; les données numériques peuvent en devenir inaccessibles.

La plupart des cinéastes interrogés et interviewés pour ce rapport ne sont pas conscients de la nature périssable du contenu numérique et du fait que leurs oeuvres risquent d’être exclues de la protection du copyright suivant les lois des 95 ans aux États-Unis.

Beaucoup de films indépendants, dit le rapport, sont en danger de se perdre avant de pouvoir bénéficier pleinement de ces 95 années de protection.

Shefter signale que l’ignorance des cinéastes sur la question est : probablement notre plus grande surprise.

Ils se concentraient sur les avantages d’un workflow numérique, dit-il, mais ne sont pas conscients de ce qui peut arriver à leur Master Numérique. Ils sont « structurés » de manière à faire leurs films, les montrer à un auditoire, et ensuite passer au suivant...

Une autre surprise pour les chercheurs de l’Académie : Les documentaristes non plus n’étaient pas au courant de la vulnérabilité des fichiers numériques. Au contraire, les réalisateurs de documentaires étaient généralement très enthousiastes à l’idée d’accéder facilement aux images grâce à l’ère numérique. Lorsque les enquêteurs de l’Académie ont soulevé l’idée qu’il pourrait y avoir « un trou noir pour les 25-30 dernières années » parce que les fichiers numériques ne sont pas préservés, la réponse était : "on n’avait vraiment pas envisagé cela."

La principale différence entre analogique et numérique est que l’analogique a toujours été : "store-and-ignore (stocké et oublié), déclare Shefter ,alors que le stockage du contenu Digital doit être géré activement.

Une telle gestion active est coûteuse, beaucoup plus coûteuse que de mettre le film dans une cave. Même quand ils prennent de telles mesures, les cinéastes et les producteurs font face à un problème insurmontable : la seule méthode fiable pour l’archivage des images numériques est de les copier en analogique. La meilleure solution d’archivage d’aujourd’hui est le film, idéalement avec une séparation de trois couleurs imprimées sur du noir et blanc. C’est une solution très coûteuse.

L’Académie fait ce qu’elle peut pour aider à résoudre le problème, a déclaré Andy Maltz, directeur du Conseil de Science-Technologie. Une des clés de la préservation est d’avoir des normes de formats de fichier, donc, si vous pouvez récupérer les zéros et des uns, vous savez ce qu’ils signifient et savoir ce qu’ils sont censés ressembler à une image à l’écran. Le projet de l’Académie : « Image Interchange Framework » contribue à créer de telles normes. SMPTE va publier la première d’entre elles cette année.

L’Académie tente de coordonner les efforts d’Hollywood pour travailler avec la Bibliothèque du Congrès et d’autres industries afin de trouver une méthode fiable d’archivage des données numériques. Mais, dit Maltz, Il appartient aux fabricants d’intégrer la durée de vie d’archivage dans leurs produits.
Heureusement pour l’industrie du Cinéma et de l’Audiovisuel, ce n’est pas la seule à affronter ce problème, la Banque, la Médecine, l’Énergie et d’autres domaines ont tous besoin de préserver des données numériques pour de nombreuses années, et ils sont tous à la recherche du "Graal" de l’archivage des données numériques.

Le rapport indique qu’à moins que la préservation ne devienne une exigence pour les stratégies de planification, de budgétisation et de marketing, elle restera un problème pour les cinéastes indépendants, les documentaristes et les archivistes. Ces communautés et le patrimoine artistique et culturel de la nation bénéficieraient grandement d’une approche globale coordonnée d’un plan de préservation numérique pour l’avenir.

Le rapport inclut des propositions pour plus de partage d’informations et la collaboration entre les archives et les autres organisations.

Shefter a pris soin de dire que le but Conseil et du rapport n’est pas d’attaquer le numérique, qui offre « des avantages énormes » dans certains domaines. La question est, que, comme nous aimons les avantages de la nouvelle technologie, une chose nous manque, l’accès à long terme garanti... C’est ce que l’analogique nous apportait et nous pensons que le remplacement de cette technologie doit nous en apporter au moins autant...

Si vous voulez télécharger le rapport : The Digital Dilemma 2(inscription préalable)

Source : Philippe Brelot, www.cinematographie.info