"Tribute to Armand Marco"

Par Véronique Donnat

La Lettre AFC n°262

En juillet 1985, lorsqu’Armand Marco prend le relais de Raoul Coutard, à la direction de la photographie de L’Aube, de Miklós Jancsó, personne ne pouvait alors imaginer la destinée malheureuse du film produit par Evelyne July, d’après le roman éponyme d’Elie Wiesel.

Tourné en partie à La Ciotat, en partie en Israël, présenté en compétition à la 36e Berlinale, en février 1986, jamais sorti, ce film opère comme une ronde dans le couloir de la nuit la plus violente qui soit : celle qui précède une double exécution. 1946. La Haganah affronte les Britanniques. La création de l’état d’Israël est en marche. Un officier anglais et un jeune sioniste vont mourir.
Pour incarner ce huis clos, préalable infernal à l’action, à l’émancipation, Miklós Jancsó utilise comme à son habitude le langage de la chorégraphie, le langage des corps, leur souplesse, leur plasticité. Les acteurs de L’Aube seront donc apolliniens, magnifiques : Redjep Mitrovitsa, Michael York, Christine Boisson, Philippe Léotard, Serge Avedikian… Armand Marco, aidé de Nyika Jancsó au cadre, saisit à La Ciotat la sensualité insolente du cinéma de Miklós Jancsó. Il y apporte aussi une certaine douceur, une forme de retenue, insaisissable, en creux.

En 1985, au mitan de sa carrière, Armand Marco signait là une image de toute beauté. L’Andalou, le Méditerranéen gagnait ainsi le panthéon hongrois, aux côtés de deux directeurs de la photographie complices de Miklós Jancsó, Tamas Somlo et Janos Kende.

L’Aube a été projeté en novembre dernier à la Cinémathèque française, lors d’une rétrospective consacrée à Miklós Jancsó. La copie – la meilleure, dit-on – c’est Armand Marco qui l’avait préservée contre l’oubli. Nonobstant un journaliste suisse avançait encore cet automne que le film avait disparu… Le film, invisible certes, était devenu un objet culte.
Le 2 février dernier, ensemble avec Armand, nous passions en revue, une par une, les planches noir et blanc du making off que nous avait confié le photographe Jean Ber. Et nous avons rêvé une nouvelle fois que L’Aube verrait enfin le jour. En salle, en DVD, en hommage.
Puisse ce vœu se réaliser, pour Armand.

Véronique Donnat est journaliste.