Yorgos Arvanitis parle de son travail sur "Une vieille maîtresse" de Catherine Breillat
Sélection officielle, en compétionYorgos, que penses-tu de ton travail sur ce film ?
Tout d’abord, je tiens à dire que je ne suis jamais satisfait de mon travail. J’ai toujours l’impression que je pourrais faire mieux et ma conviction est que « le bien est l’ennemie du mieux ».
Je finis par être satisfait si le réalisateur l’est. N’oublions pas qu’un réalisateur fait appel à nous pour traduire en image ce qu’il imagine, pour retrouver sur l’écran les images qu’il a dans la tête.
Il y a souvent une divergence concernant l’image entre le réalisateur et le directeur de la photo. Heureusement d’ailleurs, car c’est comme ça qu’on avance, c’est grâce à nos divergences que la création photographique peut exister pour le film.
Donne-nous un exemple précis…
Pour une des scènes d’amour, je voulais faire une lumière traduisant l’effet des flammes de la cheminée, une ambiance assez contraste, de pénombre ; mais Catherine voulait voir les corps, j’ai du me diriger vers une lumière plus à plat, plus lisse, moins chaude et moins à effet. De même pour une séquence qui débute en aube, la caméra est à l’intérieur, je voulais légèrement bleuter l’extérieur, mais elle voulait que tout soit blanc…
Tu as eu également d’autres contraintes, de décor, de lumière en extérieur…
Le tournage sur l’île de Bréhat comportait la contrainte des véhicules que l’on ne peut pas amener sur l’île. Alors j’ai tout fait avec des réflecteurs. Nous avons jonglé avec le temps, il fallait du gris car les scènes se passent en hiver et nous avons eu surtout du soleil avec une mer parfaitement bleue…
Nous avons tourné aussi aux Archives nationales, là il ne fallait rien toucher, il a fallu imaginer un système de cadre en aluminium avec des boules chinoises à l’intérieur que l’on a fixé sur les lustres.
Et pour cette scène avec les personnages dans le miroir, comment as-tu déjoué ces contraintes ?
Comme je ne pouvais rien accrocher, ne pas toucher aux murs, et qu’en plus tout se voyait dans le miroir, j’avais une sorte de petite grue sans contre poids avec une perche sur laquelle nous accrochions 4 ou 6 boules chinoises.
Les bougies étaient des bougies double mèche et j’avais installé sur la table deux petits tubes, genre Kino, mais ce sont des tubes que l’on installe dans les cuisines, qui ont la même température de couleur que les bougies. J’ai rajouté une gélatine magenta pour couper le vert.
Tu as cadré le film ?
Oui, je cadre toujours, j’ai l’habitude d’éclairer à travers l’objectif. Je fais une répétition puis j’éclaire. Je n’ai pas besoin de répéter le mouvement même s’il est difficile. Je suis maniaque avec le cadre alors c’est plus simple si c’est moi qui le contrôle !!!
Quelques précisions techniques supplémentaires ?
La caméra était une Arri 535, les objectifs des Ultra Prime (matériel pris à l’étranger).
La pellicule Kodak 200T 5274 pour les extérieurs jour et la Fuji Eterna 500T pour les intérieurs jour et nuit.
Je tiens à remercier vivement mon équipe électrique et machinerie qui est restée près de moi jour et nuit, attentive et solidaire – chef électro : Emmanuel Thiery, chef machino : Laurent Bourlier.
Propos recueillis par Brigitte Barbier pour l’AFC