Alain Derobe, alchimiste de l’image

par Dominique Gentil, AFC
J’ai collaboré avec Alain Derobe au tournage d’un film 360°, destiné au Futuroscope.
Alain avait persuadé les producteurs, Jean-Lou Montieux et Patrick Bezanval, de ne pas utiliser les rigs existant aux Etats-Unis, loués à des prix prohibitifs, nous estimant capables de concevoir des équipements plus performants et mieux adaptés à notre projet qui était complexe, car il s’agissait de filmer le tour de France cycliste.

Ce qui fut fait ! Notre caméra était un Rig de 9 caméras Arri 3, chacune d’elle équipée d’objectifs 32 mm, cadrant des miroirs inclinés à 45°. Alain savait concevoir de prodigieuses machines à filmer : synchros de caméras, alignement de miroirs, construction de rigs (montures) modulables pouvant être installés sur des hélicos, voitures travelling, grues, ou installations de nos caméras au sommet de l’Arc de Triomphe.

Mais son exceptionnelle maîtrise technique était au service de son approche avant tout cinématographique, comme en témoignent les questions qu’il ne manquait jamais de poser : « Que veut raconter le plan que nous tournons ? » « Comment cette image va-t-elle être ressentie par les spectateurs ? »

Pour un film 360°, Alain défendait avec force l’idée que nous ne tournions pas un Circumrama pour la foire du Trône, mais un vrai film.

Alain Derobe contrôlant la caméra principale - Dominique Gentil
Alain Derobe contrôlant la caméra principale
Dominique Gentil

De toute évidence, il était impossible aux spectateurs de regarder 9 écrans en même temps. Il avait donc forgé le concept d’une caméra maître ou leader, pour que, dans la salle de cinéma les spectateurs sachent où poser leur regard, les autres caméras donc écrans, servant alors à installer les décors. Ayant pensé le mode d’emploi du" comment regarder le film ", il nous avait fourni les repères du " comment le tourner ".

Cette démarche s’avère essentielle dans les films dits " grands formats ", où nous devons penser en permanence l’impact de l’image tournée.
Des nombreux dérivés cinématographiques, nés très vite après l’invention du cinématographe, bénéficient maintenant, grâce aux facilités engendrées par le numérique, d’un renouveau imprévisible.

Alain, alchimiste de l’image, a su saisir cette opportunité et être présent aux metteurs en scène qui ont fait appel à son ingéniosité et sa connaissance pour ces procédés.

Alain un " has been " ? Non. Il était en avance sur son temps. Je pense tout particulièrement au 3D sur lequel, depuis de longues années, il menait réflexion et expérimentations. Alain était là, prêt pour accompagner des metteurs en scène de renom que cette troisième dimension a séduits.

Alain me fait penser à Henri Alekan. Comme lui, il avait sa caverne aux inventions, son antre secrète dans sa maison de campagne où il concevait tous les outils qui lui permettaient de réaliser les images rares dont il rêvait.
Solitaire dans ton itinéraire mais partageux de tes passions, je garde vivant le bonheur que nous avions à t’écouter parler de tes visions.

Oui Alain, tu étais un visionnaire, un homme d’image visionnaire ...

Dominique Gentil, AFC