Intermittents : la paix sociale pour 80 millions

par Bruno Masi

La Lettre AFC n°134

L’attribution de cette allocation complémentaire était conditionnée au plafonnement des ressources et à l’expérience professionnelle de chaque " recalé ". En plein Festival de Cannes, le ministre avait complété le dispositif : le fonds indemniserait tous ceux qui n’auraient pas réalisé 507 heures de travail en onze mois, mais y seraient parvenus en douze. Ce retour aux dispositions antérieures à l’accord du 26 juin pris en charge par l’Etat s’appliquerait également aux nouveaux entrants.
Hier, à l’issue du Conseil national des professions du spectacle, Donnedieu de Vabres a détaillé sa « feuille de route ». Il a, dans un premier temps, précisé que les travaux de Jacques Charpillon quant à « la définition d’un nouveau périmètre des annexes 8 et 10 » étaient bien engagés, avant d’annoncer l’envoi d’une lettre d’orientation aux directeurs régionaux des affaires culturelles et aux entreprises du secteur dans laquelle il les « appelle à la vigilance » et lance « la traque aux abus ».

Le ministre a surtout dévoilé les « modalités de mise en œuvre et de fonctionnement » du fonds, à partir du rapport commandé à Michel Lagrave, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes. Ce dernier s’est empressé de rappeler « son indépendance » et a détaillé sa méthode : un chiffrage tant des exclus que du coût, réalisé avec l’aide des services de l’Unedic, à partir de projections s’appuyant sur le nombre d’allocataires en 2003. Selon cette expertise, 21 700 techniciens et comédiens (sur les 100 000 que compte le régime) ne relèveraient plus du système d’indemnisation. 14 700 seraient « effectivement éligibles au fonds spécifique », une fois retranchés ceux qui n’obtiendraient pas leurs 507 heures en douze mois, ou ceux dont l’activité sort désormais du champ des annexes 8 et 10. L’addition s’élèverait au maximum à 80 millions d’euros pour 2004.

L’Etat s’apprête donc à mettre sur la table plus d’argent que prévu pour acheter la paix sociale. Même si les chiffrages ne sont que provisoires et subiront des correctifs, ils dépasseront les 20 millions d’euros que le ministère avait originellement engagés. Donnedieu a précisé que l’Etat ne débloquerait pas la somme d’une seule traite, mais alimenterait le fonds en fonction d’une évaluation mensuelle. Il a surtout rappelé que ces mesures pourraient préfigurer un nouveau système d’indemnisation, qu’il imagine opérationnel dès le 1er janvier 2005. Cette nouvelle convention, qui nécessite la signature des partenaires sociaux, s’appuierait sur un fonds alimenté par l’Etat et les collectivités territoriales, et sur un rétrécissement du périmètre des annexes.
(Bruno Masi, Libération, 8 juin 2004)