L’éditorial de la Lettre de décembre 2010

par Caroline Champetier et Pierre-William Glenn
Aujourd’hui le rythme et la façon dont les outils d’enregistrement des images viennent à nous se sont considérablement modifiés.
Il a peu de temps encore, le mouvement d’un directeur de la photographie et de ses assistants vers une caméra, une pellicule, un traitement chimique ou numérique se faisait progressivement. Certains d’entre nous adoptaient une machine et un processus de fabrication des images avec constance, d’autres rejouaient leur choix d’un film à l’autre, il en était ainsi des équipes et des relations avec les prestataires associés à notre travail.

L’accélération des marchés modifie absolument cet état des choses, nous n’allons plus vers les outils, ils viennent à nous dans une déferlante qu’il est impossible de ne pas analyser. Le marketing est un fait, il peut-être plus ou moins honnête, plus ou moins précis, plus ou moins violent, plus ou moins habile, il nous demande un certain travail de distance.
L’analyse des outils, ce que nous avons appelé l’expertise dans le dialogue-actif, est un " à faire ", parfois certaines des données de l’un nourrissent l’autre et parfois " ces deux niveaux de connaissance ", comme disait le philosophe Spinoza, rentrent en contradiction. C’est à nous, au travers de nos essais, de nos expériences de tournage et de postproduction, de nos échanges entre nous et avec nos associés, de produire une véritable parole écrite ou verbale sur ce que nous pensons de ces outils.

A ce titre, Les Impressions de voyage de Philippe Ros et l’entretien de Vincent Mathias avec Vincent Jeannot Une caméra numérique à l’essai sont exemplaires. Le travail de la CST sur la mire Analysis, mise au point par Rip O N’eil est, quant à lui, remarquable. Cette mire est au numérique ce qu’est la charte de gris (tête de femme) au photochimique, un outil indispensable de calibrage entre les caméras et la chaîne de visionnage (écrans sur le plateau, projecteur de rushes ou de montage, projection en salle). Grâce à ce genre d’avancées, le numérique est prêt à sortir de sa crise d’adolescence.
Il n’y aucune crainte à avoir, la technique ne nous a jamais intimidés, le marketing ne nous intimidera pas plus, restons droits dans nos bottes, les pieds aussi fermement " posés " que nos yeux qui cherchent toujours le contraste idéal et les carnations les plus justes. C’est le moins que nous devions aux gens de l’art qui nous confient leur vision.