La lumière de Jean-Jacques Bouhon nous guidera longtemps

Par Nathalie Coste-Cerdan, directrice générale de La Fémis

La Lettre AFC n°280

Lors des obsèques du directeur de la photographie Jean-Jacques Bouhon, AFC, vendredi 8 octobre 2017 au cimetière du Père-Lachaise, Nathalie Coste-Cerdan, directrice générale de La fémis, a témoigné de son engagement à l’Ecole en lisant l’hommage suivant.

Jean-Jacques nous a quittés brutalement le 27 septembre au terme de quatre mois de combat contre une foudroyante maladie. Emotion, tristesse et recueillement ont envahi l’Ecole de la Fémis depuis ce jour-là.
Lui rendre hommage n’est pas chose aisée, tant cet homme avait une part de mystère, y compris pour ceux qui pensaient le connaître. Part de mystère, part d’ombre… comme un paradoxe pour cet homme qui a passé sa vie à apprivoiser la lumière.

Je laisserai le soin à ses amis de la CST et de l’AFC de parler de son métier et de sa carrière de chef opérateur et des réalisateurs qu’il a accompagnés Colline Serreau, Thomas Gilou, Pierre Oscar Lévy pour ne citer que les principaux. Pour ma part, je m’attacherai à décrire son engagement à la Fémis, en qualité de Directeur du Département Image, fonction qu’il a occupée au cours de ces dernières années et dans lequel il a accompli sans relâche un magnifique travail de transmission. « S’il est évident que le talent ne s’apprend pas, l’acquisition des outils qui permettent de l’exprimer est essentiel », disait-il.

Il a été un artisan central des programmes pédagogiques du Département Image mis en place il y a douze ans : parcours de quatre ans émaillé d’exercices pratiques aux noms évocateurs "Leçon Lumière", "Travailler en lumière naturelle", "CinémaScope et Super 35", "Exercices FX", enrichis de rencontres avec les plus grands chefs opérateurs et d’encadrement de pratiques filmiques…

Un parcours de formation exemplaire aux métiers de l’image, qui donne naissance aux jeunes chefs opérateurs de demain et qui est envié du monde entier.

Programme pédagogique inlassablement remis sur l’ouvrage pour l’améliorer, l’adapter aux mutations technologiques, ou pour profiter d’opportunités qui enrichissent le parcours des étudiants : Jean-Jacques était toujours force de proposition : je pense à cette master class improvisée organisée récemment avec le chef op’ de Werner Herzog sur le film de Herzog en 3D sur la Grotte Chauvet qui lui tenait particulièrement à cœur. Et toujours soucieux de préserver la place de l’Image, moins par souci de corporatisme que par amour et respect de ce métier.

Mais c’est particulièrement dans l’accompagnement des étudiants que Jean-Jacques excellait, se dépensant sans compter pour l’accomplissement de leurs envies et idées de cinéma, même les plus folles, par exemple les tournages en pellicule. Sans compter l’accompagnement de leurs travaux théoriques pour lesquels il fallait souvent batailler, car perçu par les étudiants comme plus secondaire.

La conduite par Jean-Jacques de ce département est bien sûr indissociable de celle de Pierre-William Glenn, son compagnon de route, son complice. On pense à Montaigne pour décrire ce couple de travail « parce que c’était lui, parce que c’était moi »… Difficile d’imaginer toutefois deux êtres plus différents : quand Pierre-William incarne et revendique le souci d’excellence et parfois l’intransigeance, Jean-Jacques penchait toujours du côté de la bienveillance vis-à-vis des étudiants, leurs faiblesses, leurs fausses excuses. Toujours une oreille attentive à leurs questions ou une main secourable : récemment encore, il avait accepté sur son lit d’hôpital, il avait accepté de corriger grammaire et syntaxe du mémoire théorique d’une jeune étudiante iranienne… pour permettre à cette jeune femme de pouvoir l’utiliser comme carte de visite. Il n’aura pas eu le temps de faire.

Cette gentillesse, ce souci de l’autre, Jean-Jacques Bouhon les manifestait aussi à l’égard de tous les personnels de l’Ecole. Attentif à tous et à chacun. Homme de passions, il avait aussi à cœur de partager son amour de la photographie, du théâtre et de la peinture.

La Fémis était sa maison et sa maison le pleure aujourd’hui.

Pierre-William Glenn, Sabine Lancelin et moi-même avions espéré qu’il serait présent le jour de la Cinémathèque pour la présentation des travaux des étudiants de quatrième année.

Il est parti avant, mais sa mémoire nous encourage à perpétuer avec autant de ferveur cette mission de partage et de transmission, et cette lumière nous guidera longtemps.