Rencontre Sony avec deux cheffe op en compétition ayant utilisé la caméra Sony Venice

Par Margot Cavret pour l’AFC


Très présent pendant toute la durée du festival, complétant leur stand sur le marché par la tenue de trois conférences, Sony a tenu la première d’entre elles mardi, en accueillant les cheffes-opérateurices de deux films en compétition (Rachel Clark pour Edge of Summer, en compétition "Cinematographer’s Debuts", et Mikhail Krichman pour Vermiglio, en compétition principale) ainsi que Veronica Tiron, ADIT, DIT et coloriste pour Vermiglio.

Les deux films ont été tournés en Sony Venice 2, un choix évident pour les deux cheffes-opérateurices. « La réalisatrice aurait voulu tourner en 16 mm », explique Mikhail Krichman, « mais ce n’était pas possible, donc nous avons choisi la Venice 2 car nous avions fait le précédent film en Venice, et nous aimions son rendu. Nous avons eu la chance de pouvoir faire des essais sur le décor, avec les commédiennes, les costumes, etc. Les objectifs étaient des Super Baltar ».

« Il y a beaucoup de scènes qui se passent dans une mine », détaille Rachel Clark au sujet de Edge of Summer, « dans laquelle se rendent les deux personnages qui sont des enfants, et autour de laquelle il y a tout un imaginaire, des histoires fantastiques auxquelles ils croient. La réalisatrice voulait que ce soit extrêmement sombre, qu’on ne voit pas les murs, pour ressentir ainsi la peur des enfants. J’avais tourné en Venice 2 sur un projet précédent, j’aimais son rendu sur les peaux, et je savais que je pouvais la pousser jusqu’à 3 200 ISO, avec seulement un bruit très léger qui ressemble plutôt à du grain. Ces scènes dans la mine sont très peu éclairées, avec juste des lampes frontales ou des briquets, mais je voulais quand même qu’on puisse voir leurs yeux. C’est une caméra à laquelle je fais confiance, je sais qu’elle peut aller dans l’obscurité, et je peux travailler vite avec. J’ai tourné avec un capteur cropé au format Super 35 avec des optiques Panavision Primo que j’ai choisies après des tests de flare, et des filtres Glimmer Glass ».

Veronica Tiron et Mikhail Krichman - Photo Katarzyna Średnicka
Veronica Tiron et Mikhail Krichman
Photo Katarzyna Średnicka


Veronica Tiron est venue avec son ordinateur, pour présenter à l’audience tout son travail colorimétrique sur Vermiglio, de la préparation à la postproduction, directement sur Baselight. Elle commente : « J’ai pu commencer à faire des tests d’étalonnage dès les essais sur les décors. Nous tournions au format X-ONC ST, car il y avait très peu de VFX prévus. Nous sommes parties sur une base de pellicule Kodak Vision 7219, mais finalement nous avons choisi de réduire le grain par rapport à ce que donne une véritable pellicule 16 mm. En étant impliquée sur le projet dès la préparation je peux expérimenter beaucoup de possibilités, pour trouver le style le plus adapté au projet. Par exemple, nous avons essayé une version en bleach bypass, mais finalement nous sommes revenues sur une désaturation très forte mais plus traditionnelle. Mikhail et le chef décorateur avaient constitué un très beau moodboard, dans lequel il y avait beaucoup plus que juste la volonté de simuler une pellicule 16 mm, et grâce auquel j’ai pu approfondir le look du film. En étant DIT sur le tournage, je pouvais continuer d’affiner la LUT et les directions d’étalonnage au fur et à mesure que de nouvelles images étaient tournées. La réalisatrice portait une attention particulière aux teintes bleues, et moi j’ai beaucoup travaillé sur les verts qui étaient très présents car il y a beaucoup de scènes en extérieur, et qui étaient pour moi la clé pour donner à la fois le style 16 mm et l’idée d’un film d’époque, qui se déroule dans les années 1940. Nous avons fini par aboutir à ce look unique, qui combine les inspirations et les sensibilités de chacun ».

Veronica Tiron - Photo Katarzyna Średnicka
Veronica Tiron
Photo Katarzyna Średnicka


Lors de la Q&R qui a suivi la présentation de Veronica Tiron, Mikhail Kirchman a été invité à parler de sa manière d’éclairer, entre autre par une question de Ed Lachman, venu assister à la conférence, qui a questionné son collègue sur ses préférences en matière de projecteur et de température de couleur, en rapport avec le capteur de la Venice. « Je reste toujours sur un réglage de la caméra à 4 300 K », répond le chef opérateur. « De mon expérience des tournages en caméra Sony, et notamment en Venice, je trouve que cet équilibre entre 3 200 K et 5 600 K s’adapte à toutes les situations. J’ai utilisé des projecteurs HMI sur ce projet, même si j’utilisais surtout la lumière naturelle, et très peu d’électricité. J’ai aussi utilisé les sources disponibles, dont quelques éclairages à la bougie. »

"Vermiglio" de Maura Delpero
"Vermiglio" de Maura Delpero


La parole a ensuite été donnée à Rachel Clark, qui a pu approfondir sur son travail : « C’était le premier long métrage de fiction de la réalisatrice, qui avait déjà fait un documentaire avant, seule. La première fois que je l’ai rencontrée, elle m’a dit : « Je suis soulagée de ne plus avoir à cadrer moi-même ! ». En préparation, je voulais m’assurer de bien comprendre ses intentions, pour être sure que nous étions sur la même longueur d’onde. Nous avons longuement discuté, échangé à propos des films que nous aimions, des films sur l’innocence et sur l’enfance. On s’échangeait régulièrement des images, des photos, des choses ténues de la nature qui pourraient être de la magie aux yeux des enfants, pour trouver la sensibilité du film. J’ai réalisé un moodboard pour illustrer cet été nostalgique que nous cherchions à représenter. Pendant le tournage, elle était concentrée sur les enfants, pour qu’ils se sentent en confiance, et donc j’ai parfois pris la direction auprès des autres départements, car nous avions passé beaucoup de temps ensemble, et construit une véritable relation de confiance qui me permettait de savoir précisément ce dont le film avait besoin.

"Edge of Summer" de Lucy Cohen
"Edge of Summer" de Lucy Cohen


« J’ai beaucoup travaillé avec la lumière naturelle. Les enfants ne pouvaient travailler que cinq heures par jour, donc je devais aller vite. Nous avions un planning flexible que nous pouvions ré-arranger en fonction de la météo, et j’ai eu la chance d’avoir de très belles lumières naturelles. Comme les enfants n’avaient jamais fait de tournage avant, j’essayais autant que possible de cacher les projecteurs, les placer à l’extérieur, etc., afin de leur laisser de la liberté. A l’étalonnage, j’ai rajouté une texture de grain pour donner un sentiment nostalgique au film. »

Rachel Clark - Photo Katarzyna Średnicka
Rachel Clark
Photo Katarzyna Średnicka


(Compte rendu rédigé par Margot Cavret pour l’AFC)