Scénario catastrophe à la Cinémathèque

par Antoine de Baecque

La Lettre AFC n°112

Dans ce désastre, chacun a sa part de responsabilité. Du côté de la direction de la Cinémathèque, il est certain que la non-politique qui fait office de politique depuis maintenant deux ans a été préjudiciable. Elu président de l’association en juin 2000, le cinéaste Jean-Charles Tacchella, 76 ans, a multiplié les faux-pas. Peter Scarlet, arrivant avec une réputation cinéphile après dix-huit ans à la tête du Festival de San Francisco, n’a jamais réussi à s’imposer à Chaillot, trop prudent, négligeant l’action à long terme réclamée par le personnel.

La direction n’est pas parvenue à mobiliser l’institution en vue du déménagement prévu vers le 51 rue de Bercy, où la Cinémathèque devait rejoindre la bibliothèque du Film (BiFi) et le service des archives du film (SAF) en un groupement d’intérêt public (GIP) qui constituait le grand projet français de patrimoine cinématographique espéré par le CNC et le ministère de la Culture depuis plus de quinze ans.
La responsabilité du CNC est elle aussi engagée dans la crise actuelle, finançant cette association à près de 80% (un budget d’environ 7 millions d’euros)... La crise s’accélère à la Cinémathèque. Des cadres importants sont sur le départ : Catherine Gaston-Mathé, directrice déléguée et Laurent Gervereau, directeur du musée du Cinéma... Tacchella et Scarlet semblent directement dans la ligne de mire d’une assemblée générale qui pourrait exiger leur démission.

Le CNC, à la demande du nouveau ministre de la Culture, n’a pas tardé à adopter, vendredi dernier, un plan de redressement rigoureux. Le projet Bercy est abandonné en rase campagne. La Cinémathèque resterait au palais de Chaillot. Elle devrait cohabiter avec la Cité de l’architecture, dont l’installation à Chaillot est confirmée...
A l’abandon de Bercy s’adjoint un plan d’économie drastique. Le bâtiment ne serait pas conservé dans le patrimoine du ministère, revendu à terme. La Cinémathèque devra fonctionner avec un budget de rigueur...
(Antoine de Baecque, Libération, 24 juin 2002)