" 9 m2 " sur le petit écran, lu dans la presse

  • 9m2, docu-fiction tourné en réclusion par Marie-Hélène Martin
    Arte diffuse un feuilleton en cinq épisodes, filmé par des détenus, dans la prison des Baumettes de Marseille.
    Dans le cadre d’un atelier vidéo organisé par l’association Lieux fictifs, dix détenus de la prison des Baumettes, à Marseille, ont travaillé sur l’image, l’écriture, la mise en scène et l’improvisation, avec deux réalisateurs, Jimmy Glasberg et José Césarini. Les prisonniers ont manifesté leur intérêt sur la base du volontariat ; l’administration pénitentiaire a ensuite donné son accord sur des critères de sécurité. A l’arrivée, ce sont des histoires de cohabitation d’un genre spécial, réalisées avec un dispositif tout aussi particulier. Fragments de vie prisonnière, avec ses confrontations, sa solitude, ses amitiés.
    (Libération, lundi 22 novembre 2004)
  • Paroles de trois détenus auteurs et acteurs
    Philippe. En détention, interrogé par téléphone.
    « Je suis impatient et aussi un peu anxieux de regarder le film. Ce n’est pas évident de voir son image à la télévision. Mais participer à cette expérience exceptionnelle, ça a été un petit ballon d’air, on a recréé un lien entre êtres humains. J’ai peur que 9 m2 ne soit pas suffisant pour que les gens comprennent ce qu’est la prison. Je me dis souvent qu’il faudrait qu’une personne qui visite une détention soit enfermée par surprise dans cet espace réduit. Ce serait immédiat, cette panique, cet isolement qui tombe dessus d’un coup ! A deux dans 9 m2, c’est déjà très dur ; j’ai vécu à six dans 12 m2 et, là, c’est à la limite du vivable. En prison, le temps est en suspension, c’est une sorte de non-existence. La société évolue et nous vivons au ralenti, comme en sommeil. Malheureusement, l’ex-détenu qui tente d’évoluer subit une sorte de double peine. Il lui faut être deux fois plus courageux que n’importe qui pour y arriver. »

William. Sorti en août 2003, rencontré à Marseille.
« Je ne sais pas pourquoi, mais les gens adorent regarder les autres vivre enfermés, comme le loft ou le reste. Je pense qu’ils aimeront notre Chtar Ac, c’est comme ça que je l’appelle, puisque dans notre jargon, le « chtar », c’est la prison. Avec 9 m2, de notre malheur on a fait un bonheur, une belle chose, une expérience unique. On a appris des choses. Ce n’était pas évident de tourner dans un si petit espace, mais maintenant que je suis libre, je pourrai filmer la tour Eiffel ! Au cinéma, j’emmerde tout le monde, je ne vois plus l’histoire, je vois les plans. J’avais été avec Philippe en cellule et on était un peu en froid, il a changé de cellule. C’est même pour ça qu’on a réussi à filmer la scène de la prise de tête, parce qu’on n’avait plus la même rage tous les deux, sinon ça aurait tourné à la vraie bagarre. Je me suis donné, le principe c’était ça, il fallait qu’on donne de nous, sinon c’était pas la peine. Si ça fera réfléchir ? J’espère, parce que les gens ne se parlent plus à cause de la télé. Alors là, ce serait l’occasion. »

Nordine. Sorti depuis un an, rencontré à Marseille.
« Le soir, dans la cellule, avec Momo, on parlait de ce qu’on allait faire le lendemain, du vécu à 90 %. Le matin, on préparait le décor et, l’après-midi, on tournait deux heures. Les dialogues, on les improvisait. Au début, c’était difficile, on nous a appris l’éclairage, la prise de son, le plan séquence, le plan serré ou large. L’aisance nous est venue grâce aux réalisateurs, ils nous ont fait apprivoiser la caméra pendant deux semaines. Et on s’est adapté. Avec Momo, on est bons cuisiniers, c’est comme ça qu’on a eu l’idée de ce couscous cuit en cellule. Momo m’a dit : « Je cuisine, tu filmes. »
Vivre à deux dans 9 m2, c’est dur, mais j’y ai vécu à trois et, là, c’est la misère. Ce n’est pas monnaie courante ce qui s’est passé avec ce film. J’ai pris ça comme un cadeau en détention, avec ces gens de l’extérieur qui nous apportaient de l’oxygène, des nouvelles de dehors. Maintenant, quand je regarde un film, j’ai un autre œil, plus connaisseur. »
(Libération, lundi 22 novembre 2004)

  • En pleine poire, l’édito d’Antoine de Gaudemar
    En prison, le détenu est constamment regardé, contrôlé, espionné, et, quand il y a une caméra en prison, c’est pour épier, surveiller et éventuellement punir. [...] Cette fois, ce sont les détenus eux-mêmes qui se regardent, se filment et se montrent. [...] Il ne s’agit pas d’un énième regard sur la prison, mais d’un regard depuis la prison, qui s’adresse à nous, les gens du dehors. [...] 9 m2 est le contraire d’un " Loft Story " version Baumettes. En s’emparant d’une caméra, William, Kamel, Momo et les autres nous renvoient en pleine poire la vérité de leur condition, de leur révolte et de leur détresse. Derrière les barreaux, ce n’est pas la télé qui est " trash ", mais la réalité.
  • « Tout ce que l’on voit à l’écran repose sur une réalité inscrite en eux, mais une réalité travaillée, sublimée.
    Nous n’étions pas là pour faire pour faire de la sociologie. Ce qui nous intéressait, c’était la manière dont les détenus interprétaient les choses, leur confrontation, dans cet espace clos, avec une caméra active et révélatrice, qui servait de catalyseur. Dans le fond, il s’agit d’une démarche très cinématographique, qui pose la question du vrai et du faux et questionne avant tout l’acte de filmer. »
    (Jimmy Glasberg, Télérama n° 2862, 17 novembre 2004)