A l’heure de Cannes, la vigueur fragile du cinéma français

par Nicole Vulser

La Lettre AFC n°122

De plus, le chiffre d’affaires de la vidéo, notamment du DVD, connaît une progression spectaculaire, qui rejaillit, par ricochet, favorablement sur l’économie du cinéma. Enfin, un train de réformes proposé le 30 avril par le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, doit améliorer le financement de la production indépendante, grâce à la création de fonds régionaux et de nouveaux systèmes d’abris fiscaux.
Fait nouveau, toutes les chaînes payantes de cinéma, et non plus uniquement Canal+, devront apporter leur écot aux films français.

C’est la face " solaire " du cinéma français. La quasi-totalité des professionnels a une vision plus sombre de l’état des lieux. Le sort du cinéma indépendant reste très préoccupant.
Chaque mercredi, la bataille de la distribution est plus rude. L’inflation du nombre de copies est réelle.
Les films d’auteur ont d’autant plus de mal à s’imposer que les programmateurs de multiplexes n’ont aucun état d’âme à retirer de l’affiche un petit film, moins d’une semaine après sa sortie.
Cet état de fait risque d’être encore compliqué par la récente mais forte baisse de la fréquentation en salles (de 10 à 12 % depuis le début de l’année).

Fragilisée par ces difficultés, la production indépendante doit aussi affronter des problèmes récurrents de financement. On constate une part croissante des coproductions internationales : les producteurs ne peuvent plus, comme avant, obtenir un préfinancement quasiment systématique de Canal+.
La crise de Canal+, qui avait atteint son apogée lors du dernier Festival de Cannes, ne semble pas s’estomper, mais le climat entre la chaîne et les professionnels s’est apaisé.
Selon le Centre national de la cinématographie, les investissements de Canal+ dans le cinéma ont diminué de plus de 30 millions d’euros en 2002 pour atteindre 123 millions. Les infortunes de Canal+ et de sa maison mère sont directement à l’origine de la cessation d’activité de deux soficas adossées à Vivendi Universal (Studio Images et Gimages).
Indirectement, le distributeur Bac Majestic a décroisé ses liens avec Studio Canal et cherche à sortir d’une grave crise financière.

Dernier maillon de la chaîne de production, les industries techniques subissent aussi une phase de turbulences, comme en témoigne le récent dépôt de bilan de Duran-Duboi.
Même si les télévisions en clair contribuent au financement du cinéma français, c’est le désamour : contrairement au football, les films ne sont plus des produits d’appel incontournables. En 2002, les chaînes hertziennes (hors Arte) ont diffusé moins de films (1 384, soit 5,3 % de moins qu’en 2001) et les achats de droits ont chuté de 6,2 %.
Cette série de paramètres peu encourageants, révélée par l’onde de choc créée par Canal+ l’an dernier, a permis de prendre conscience de l’urgence qu’il y a à penser différemment le financement du cinéma français.
(Nicole Vulser, Le Monde, 15 mai 2003)