Dans les pas de Trisha Brown...

Avec Marie-Hélène, nous avions pris l’habitude de filmer ensemble la danse. Sans comparer avec Pina, de Wim Wenders, qui est un film très construit, Marie-Hélène m’a appris à essayer d’être très en adéquation avec le mouvement des danseurs, à sentir quels sont les prochains mouvements qu’ils vont faire, afin que je puisse être au même rythme qu’eux. Et filmer comme si c’était en plan-séquence, avec une seule caméra, chaque coupe au montage pouvant changer le rythme de la chorégraphie…

Moins il y a de coupe, mieux c’est pour traduire la chorégraphie (ou bien c’est le principe d’une captation à plusieurs caméras, mais ce n’était pas du tout ce que nous avions décidé de faire ensemble).
"Cadrer" implique un choix, et le mouvement de la caméra est aussi une sorte de chorégraphie en soi, passant d’un groupe de danseurs à un autre, mais la caméra est sur pied, car à l’épaule, il y aurait comme une sorte de confrontation du mouvement du corps entre le danseur et la personne qui filme et je pense que je serais assez mauvaise dans la comparaison. L’utilisation d’un zoom également afin de rectifier des valeurs de plans, pour ne couper ni pieds ni bras car la vision de l’entièreté du corps est importante à certains moments.

Nous avions déjà filmé avec Marie-Hélène les derniers moments de la compagnie de Merce Cunningham en 2011, et j’avais eu l’impression que filmer ses pièces et ses répétitions étaient très complexes car anticiper ce que vont faire ses danseurs, même si j’étais hyper concentrée, était quasi impossible car leurs mouvements étaient très imprévisibles, et c’est cette complexité qui a rendu le travail super passionnant, à essayer de "déchiffrer" comment ils allaient se déplacer, vers la gauche ou vers la droite, en diagonale, et qui ou quel groupe suivre finalement, quel choix faire, tout en restant au maximum "élégant" dans les mouvements de caméra…

Pour Dans les pas de Trisha Brown, nous avons filmé les répétitions de Glacial Decoy à l’Opéra de Paris. Se concentrer précisément sur l’évolution du travail, sur la complexité à expliquer par des mots et par des gestes les mouvements du corps, ce qui n’était transmissible que par la mémoire du langage corporel des deux répétitrices, Lisa et Carolyn. Il n’y a pas beaucoup de traces écrites, en général, pour traduire le mouvement du corps dans la danse. Tout est mémoire corporelle.

A nouveau, comme pour Pina Bausch et pour Merce Cunningham, je n’ai pas eu la chance de rencontrer en personne Trisha Brown… Ce qui a été à nouveau un grand regret pour moi.
Il a fallu faire un autre film (toujours avec Marie-Hélène) avec Lucinda Childs, qui est aussi une chorégraphe de la même génération et de la même notoriété, pour que je puisse enfin rencontrer et essayer de comprendre ce que cela signifie réellement que d’être "chorégraphe". En tout cas, tout ce que j’ai compris, c’est que c’était un univers complexe et passionnant.

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https://vimeo.com/202167801

Équipe

Assistant opérateur et cadreur sur certaines séquences : Laurent Coltelloni
Chef opérateur du son : François Waledish

Technique

Matériel caméra : Tigre Productions (Sony F5, zoom Sony 11 x 4,7 mm)