Entretien avec Eric Dumont, AFC, à propos de son choix des optiques Sigma Cine sur "Les Pires", de Lise Akoka et Romane Gueret

par Sigma France

En amont de cette 75e édition du Festival de Cannes, Sigma France s’est entretenu avec le directeur de la photographie Eric Dumont, AFC, qui parle de son travail de la photo sur le film Les Pires, de Lise Akoka et Romane Gueret – sélectionné à Un Certain Regard –, et sur les raisons qui l’ont guidé dans son choix des optiques Sigma Cine Lens.

Le film Les Pires, sur lequel tu assures la Direction de la Photo, sera présenté à Cannes en 2022 dans le cadre de la sélection Un Certain Regard. Peux-tu nous en dire plus sur ce long métrage ?

Eric Dumont : C’est la rencontre de deux mondes, le monde du cinéma et celui de gamins des quartiers populaires de Boulogne. Le film traite en particulier de l’adolescence, à travers le tournage d’un film. Ce thème de l’enfance et de l’adolescence c’est le thème de prédilection de Lise Akoka et Romane Gueret, les réalisatrices, qui l’avaient déjà traité dans leur premier court métrage, Chasse royale, primé à la Quinzaine des Réalisateurs et la websérie "Tu préfères", présentée à Sundance l’année dernière. Deux projets auxquels j’ai également participé.

Eric Dumont, au centre, sur le tournage des "Pires"
Eric Dumont, au centre, sur le tournage des "Pires"

Tu as choisi les optiques Sigma Cine Lens pour l’Image de ce long métrage. Peux-tu nous rappeler les focales, et sur quelles caméras ?

ED : J’ai travaillé avec les optiques Sigma sur trois autres projets auparavant. Les zooms S35 18-35 mm T2 et 50-100 mm T2 sur En guerre et, plus récemment, Un autre monde, de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, et le 14 mm T2 FF sur le court Allez garçon !, de Lise et Romane, qui suit un jeune colombophile. Pour cette nouvelle collaboration, nous avons utilisé la série FF High Speed Prime du 20 mm au 135 mm sur Alexa Mini, en ArriRaw OpenGate, dans lequel on a croppé un ratio de 2,39:1. Les deux focales que j’ai utilisées le plus sont certainement le 85 mm et le 105 mm. Les Pires fait beaucoup appel à la caméra portée, de choses prises sur le vif, et il me fallait vraiment une config légère avec des optiques compactes, lumineuses, mais qui couvrent le plein capteur.

Le film a été tourné à Boulogne. La ville ramène à un imaginaire collectif plutôt froid. De ce que j’en ai vu l’image des Pires est au contraire très chaude. Comment définirais-tu ton travail de la photo sur ce film, quel était l’intention ici ?

ED : Avec ce set-up léger nécessaire il me fallait casser un peu le rendu vidéo. Pour ce film, je cherchais un rendu très moderne et photographique, sharp mais doux sur les peaux, avec cette petite brillance dans le regard et du modelé sur les visages. Je voulais éviter à tout prix le rendu un peu laiteux et plat. Je suis à pleine ouverture quasiment tout le temps pour concentrer le regard. Avec les FF Prime Sigma j’ai ce rendu proche du moyen format Blad que je recherchais. L’intention du film, c’est de se concentrer sur les personnages. On est avec eux. Le gros du travail avec ces réalisatrices, c’est qu’il y a un côté très pictural sur la peau, sur les yeux, avec beaucoup de gros plans, et il fallait augmenter ce côté-là en se concentrant sur les visages et en travaillant sur les flous.

Est-ce que le côté très performant, parfois jugé "clinique", des optiques Ciné, en opposition à des optiques dites "à caractère", ne représente-t-il pas un avantage en postprod, offrant plus de latitude et de possibilités ?

ED : Moi, c’est surtout en lumière que ça me rassure beaucoup de bosser avec ces optiques ! Je privilégie vraiment les lumières à contre-jour, j’éclaire très peu à la face. Ces optiques encaissent beaucoup mieux le flare. C’est ça qui m’intéresse, d’éviter le voile gris. Ce rendu, je ne dirais pas "clinique" mais moderne, me plait car derrière je peux travailler ma lumière et fabriquer mon contraste. Ici, il y avait une volonté d’avoir un rendu "fort mais subtil", c’était notre blague avec les réalisatrices, et ces optiques me permettent de travailler en contre-jour, en sous exposition, avec très peu de lumière et des partis-pris où le sombre et le noir existent. C’est beaucoup plus intéressant, pour moi, de partir de cette image qui se tient et de sculpter la lumière… pour ensuite justement avoir moins de travail à l’étalonnage !

Ce nouveau film est une mise en abyme. Quels conseils donnerais-tu à un(e) jeune vidéaste qui souhaite se lancer en tant que DoP ?

ED : Ce qui a tout changé, pour moi, c’est le 5D, son petit frère le 7D plus précisément. Je suis totalement autodidacte et je viens du documentaire. J’ai parcouru le monde pendant dix ans avec une caméra vidéo, donc un rendu très typé. Quand le 5D est sorti, j’ai commencé à pouvoir adapter des optiques qui avaient un look proche du film et de jouer avec les rendus. J’ai tout fait avec ce 7D. Je l’avais tout le temps avec moi, et j’avais cette esthétique ciné en tête dans tout ce que je faisais. Le conseil que je pourrais donner, c’est de connaître son matériel sur le bout des doigts, pour s’affranchir de l’aspect technique, puis de faire des images, encore et encore. S’entraîner et persévérer !

(Propos recueillis par Renaud Coilliot, pour Sigma France)