Exposition "Lanterne magique et film peint - Quatre cents ans de cinéma"

Petite histoire de la projection lumineuse

La Lettre AFC n°191

Est-il nécessaire de rappeler qu’il aura fallu plusieurs siècles de pratiques, de recherches et d’inventions à nombre de précurseurs, avant que deux d’entre eux, un beau jour de décembre 1895, ne projettent sur un écran, après en avoir reconstitué le mouvement, une succession d’images instantanées, révélant ainsi au public la magie de ce qui allait devenir le cinéma ?

La Cinémathèque française et le Museo Nazionale del Cinema de Turin se sont réunis pour retracer une partie de la longue et passionnante histoire du " précinéma " et proposer, au fil d’une exposition, quelques-unes des richesses de leur collection respective de plaques de verre pour lanterne magique peintes à la main et bien d’autres trésors et surprises encore.
Laurent Mannoni, directeur scientifique du patrimoine de la Cinémathèque française, nous présente cette exposition dont il est le commissaire avec Donata Pesenti Campagnoni.

Spectacle de lanterne magique animé par Laurent Mannoni et Laure Parchomenko à la Cinémathèque française - Photo Stéphane Dabrowski - Cinémathèque française
Spectacle de lanterne magique animé par Laurent Mannoni et Laure Parchomenko à la Cinémathèque française
Photo Stéphane Dabrowski - Cinémathèque française

Avec cette exposition qui s’ouvre le 14 octobre 2009, on revient sur l’archéologie du cinéma, un de mes sujets favoris. Ce que l’on traite dans cette exposition, c’est l’histoire de la naissance de la projection lumineuse et animée, très importante pour l’histoire du cinéma. Comment a-t-on commencé à projeter des images et comment est-on arrivé à les rendre animées ? C’est une question essentielle : même avec le numérique, on continue à se servir d’un faisceau lumineux pour projeter les images.

Le cinéma en tant que tel, c’est d’abord de la prise de vues, puis ensuite de la restitution par la projection, mais il n’y aurait pas eu le cinéma tel qu’on le connaît aujourd’hui s’il n’y avait pas eu la projection. Il fallait d’abord passer par cette étape et c’était important pour moi d’en retracer l’histoire.
L’intérêt de l’exposition, je l’espère, c’est de montrer justement les collections de la Cinémathèque, qui sont énormes en ce qui concerne ce sujet puis qu’on conserve 18 000 plaques de lanterne magique, ce qui est absolument monumental, et il y en a 8 000 à Turin. On a vu toutes ces plaques, on a fait un tri, on en a sorti à peu près 500 qui seront présentées à cette exposition qui retrace l’histoire de la projection, du XVIIe siècle jusqu’à la naissance du cinéma.

Et on continue l’histoire en abordant d’abord les films peints des débuts du cinéma, les films au pochoir, et ensuite les films expérimentaux qui utilisent toujours la peinture comme motif. Donc évidemment, c’est McLaren, Len Lye, Sistiaga qui peignent image par image, un travail de fou, pour obtenir des films superbes et tout à fait étonnants.
On verra dans cette exposition des machines que l’on n’a jamais vues, des pièces vraiment inédites. Par exemple un document qui pour moi est tout à fait fondateur : c’est un dessin qui date de 1659 et qui représente la première plaque animée, peinte par l’astronome hollandais Christian Huygens. Tout d’un coup, il a pensé à projeter une image animée, mécanisée, artificielle, quelque chose se passe de fondamental.

Triple lanterne Noakes - Collection Cinémathèque française
Triple lanterne Noakes
Collection Cinémathèque française
Lanternes magiques - Collection Cinémathèque française
Lanternes magiques
Collection Cinémathèque française

Dès que la lanterne est inventée, on pense à inventer des mécanismes pour animer les vues, parce que la fixité des images ne convient pas aux premiers spectateurs. Il faut trouver des systèmes pour les rendre mobiles. C’était un phénomène inédit que de projeter des images ; avant, ça n’existait pas, à part la chambre noire. C’était nouveau de projeter une image peinte sur un écran. Et il fallait en plus qu’elle soit animée, et tout de suite. C’était l’exigence qui a animé ensuite les différents chercheurs jusqu’à la chronophotographie de Marey et la cinématographie.
Des cinéastes très importants se revendiquent de la lanterne. Quelqu’un comme Bergman a dit : « Toute a commencé lorsqu’on ma offert une lanterne magique dans mon enfance, toute ma vocation a débuté là ». Des gens comme Truffaut, Bergman, Fellini rendent hommage à la lanterne magique dans leurs films.

Et ce qui est merveilleux, c’est que quelqu’un comme Francis Ford Coppola, qui a préfacé le catalogue, est l’un des plus grands collectionneurs de lanternes magiques à l’heure actuelle ; il a créé un musée, pour ses lanternes, en Californie. Pour lui, tout est là, tout part de là.
De plus, les premiers appareils de projection sont des objets magnifiques. Derrière, on sent qu’il y a de l’art, du métier, du goût, de la poésie. Mais à vrai dire, je suis aussi ému devant une lanterne du XVIIIe siècle que devant un projecteur DLP Christie...

Laurent Mannoni actionne une lanterne Riley - Lors de son spectacle de lanterne magique à la Cinémathèque française<br class='manualbr' />Photo Stéphane Dobrowski
Laurent Mannoni actionne une lanterne Riley
Lors de son spectacle de lanterne magique à la Cinémathèque française
Photo Stéphane Dobrowski

Il y aura, dans l’exposition, beaucoup de projections naturellement, de dispositifs, d’appareils anciens en fonctionnement, une salle de fantasmagorie, le Théâtre Optique d’Emile Reynaud en démonstration, une salle de pornographie... Et j’espère que ce sera aussi magique que le sujet...

Du 14 octobre 2009 au 28 mars 2010
51, rue de Bercy - Paris 12e

  • En complément, lire l’entretien au cours duquel Laurent Mannoni revient sur la collection d’appareils et d’archives de la Cinémathèque française ainsi que sur le Conservatoire des techniques cinématographiques.