"Jack Ralite : « Solidarité, frères et sœurs de combat et d’espérance »"

Par Jack Ralite

La Lettre AFC n°244

L’Humanité, 17 juin 2014
Point de vue. Jack Ralite, Ancien ministre, Président d’honneur du comité de suivi. L’ancien animateur des États généraux de la culture dénonce une vie politique qui se corrompt sous la contrainte de la marchandisation ultralibérale.

« La classe propriétaire de la richesse / Parvenue à une telle familiarité avec la richesse / Qu’elle confond la nature et la richesse », disait Pasolini.

C’est ainsi que le pouvoir actuel, en déni de son programme, trouve naturel que les riches aient le droit d’être plus riches, en offrant 30 milliards d’euros au Medef.

C’est ainsi, dans un même ­mouvement, que le pouvoir ­d’aujourd’hui tente de rendre naturel que les acteurs de l’art (artistes et techniciens) aient leur droit du travail remis en cause, qu’il s’agisse de la continuité professionnelle ou des annexes 8 et 10 de l’Unedic en cas de chômage.

Ainsi la vie politique se corrompt sous la contrainte ultralibérale faisant triompher sans pudeur le mal de la vie sur le bien de la vie. Cette aberrante « castration mentale », ce grand divorce d’avec la culture et la création doivent et peuvent être stoppés. L’histoire est pleine d’enceintes préfixées mais aussi pleine de tentatives pour forcer, pour rompre ce qu’on appelle hypocritement les règles du jeu, notamment ce « principe de ruines » dû à Jean-Pierre Jouyet et ­Maurice Lévy : « Donner au capital humain un traitement économique   »

«  Le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité, c’est la culture », disait Charles Baudelaire, et répétait le président de la République le 19 janvier 2012 aux Biennales internationales du spectacle à Nantes. Vous ne tolérez plus que l’esprit des affaires et son chiffrage l’emporte sur les affaires de l’esprit et leur déchiffrage, ni que le collectif budgétaire de 2014 connaisse une diminution de 2,3 %. Vous refusez d’être traités comme si vous étiez en trop dans la société. Vous n’êtes pas engourdis dans une corporation mais libres dans une lutte intransigeante et ouverte, autour et pour vos merveilleux métiers qui sont bousculés aussi par les nouvelles technologies que vous voulez civiliser.

Toujours plus rassemblés entre vous, toujours plus solidaires avec d’autres qui renoncent à renoncer, vous utilisez votre pouvoir d’agir à l’étage voulu, avec vos sensibilités, vos imaginations, vos intelligences, vos disponibilités. Vous êtes souffleurs de conscience et transmettez une compréhension, une énergie, un état d’expansion, un élan. Adressez-vous à ceux qui rient, réfléchissent, pleurent, rêvent à vous voir et vous entendre jouer. Surtout que le fil ne soit pas perdu avec eux.

«  L’homme est un être à imaginer », disait Bachelard. A fortiori les artistes et techniciens de l’art que vous êtes.

Solidarité, frères et sœurs de combat et d’espérance. Avec vous, comme disent beaucoup de personnages de Molière : ­« J’enrage ! ».